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FUSAINS ET EAUX-FORTES.

de frontispice et sur les monuments publics, dissimule son haut-de-chausses sous une cotte de mailles romaine. Les génies excentriques s’étouffent ou subissent la loi commune, et toute fantaisie originale se perd. Le xviiie siècle arrive, un branle nouveau est donné aux esprits, et tout s’imprègne de la philosophie nouvelle ; elle monte sur le théâtre, elle se glisse dans le roman, elle envahit l’épopée, elle montre le nez jusque dans les alcôves des petits contes licencieux. Le poète, le rhéteur, le grammairien, l’historien, tout le monde est philosophe, tout le monde n’a plus qu’une idée ; nous passons les modes de détails ; les engouements passagers, les petits vers, les petits livres, les petits écrits sont fondus dans un même moule.

Nous voici à la littérature de la Révolution, littérature antithétique, s’il en fût, littérature sensible et philanthropique en raison de la fureur des égorgements au dedans et au dehors. Ici, et tandis qu’on se massacre aux prisons, qu’on se dénonce aux comités, qu’on se mitraille dans les plaines, surgit, avec M. Bernardin de Saint-Pierre et M. Bouilly, une série de drames vertueux, de fils reconnaissants, de serviteurs fidèles et d’excellents parents à tous les degrés. C’est un déluge de pleurs. Les auteurs et les héros, à défaut d’autres, méritent le prix Montyon ; les héroïnes sont des rosières, et la morale en action est la seule esthétique connue. Nous traversons