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SCÈNES POPULAIRES.

est-il fort las et envoie-t-il tout bas sa femme et ses convives à tous les diables.

Vous voyez là une petite fille, Fanny, et une grande dame, Mme  de Saint-Hippolyte, rien moins que cela. Cependant, si aristocrates que nous soyons, cette fois, nous commencerons par la petite. Nous ne sommes pas du goût de M.  Charles, et nous préférons de beaucoup celle-ci à l’autre, bien qu’elle écrive des lettres carrées sur du papier à écolier, fermées de trois pains à cacheter et remplies de fautes d’orthographe. Elle est fort charmante avec son petit bibi, son châle tartan, son tablier de taffetas noir, son bas de coton bien tiré et ses petites mains sans gants croisées sur sa modestie. Elle doit être ou mercière, ou brodeuse, ou lingère, ou quelque chose comme cela. Elle grasseye en parlant, dit facé pour fâché et ze pour je, petites façons d’enfant qui lui vont fort bien, parce que ce n’est en effet qu’une enfant. Il y a longtemps que Mme  Saint-Hippolyte ne l’est plus ; elle a l’air ignoble et effronté ; sa toilette est d’une richesse lourde et mal entendue. L’on voit à son cou la grosse chaîne d’or qui a fait une si profonde impression sur le cœur de Charles. Elle est en toilette de bal, prête à recevoir son monde. C’est une singulière maison que la sienne. On y trouve à toute heure une population de je ne sais qui, venant je ne sais d’où, qui y font je ne sais quoi, et que reçoit également bien le débonnaire M.  Duflot, maître de céans.