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FUSAINS ET EAUX-FORTES.

La Solitude est peut-être la pièce la plus achevée du poète, dont le défaut était de se laisser trop aller à sa facilité. C’est une solitude à deux, où les épanchements d’amour se mêlent aux effusions lyriques et aux descriptions des beautés naturelles.

Dans ce val solitaire et sombre,
Le cerf qui brame au bruit de l’eau,
Penchant ses yeux dans un ruisseau,
S’amuse à regarder son ombre.


Comme ce brusque début vous transporte loin du monde au milieu du calme, du silence, de la fraîcheur et de la solitude, et qu’il fait bon aimer au sein de cette pittoresque retraite ! Les concetti à l’italienne, les agudezzas à l’espagnole sont ici plus rares que dans aucune autre pièce de Théophile ; la passion vraie y remplace la galanterie et l’amour de l’âme y relève la tendresse voluptueuse. Pour trouver des accents analogues, il faut descendre jusqu’au renouvellement poétique de ces dernières années.

Les stances Sur une tempeste ont du mouvement et de la couleur, et l’ode Sur la paix contient des strophes dont visiblement Malherbe a imité l’allure et le trait, avec supériorité, il faut le dire ; car le principal défaut de Théophile est de ne pas profiter jusqu’au bout des rencontres heureuses qu’il fait ; il se lasse vite et n’a pas le courage de suppléer par le