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FUSAINS ET EAUX-FORTES.

flèche d’Abarys, le tapis des quatre Facardins témoignent de la persistance de cette idée. La nuit, le rêve ne nous délivre-t-il pas des lois de la pesanteur ? ne nous donne-t-il pas la faculté d’aller, de venir, et de voltiger sur la cime des choses ou de nous perdre dans les hauteurs infinies ? Ce songe général et persistant, et qui exprime le désir secret de l’humanité, n’a-t-il aucun sens prophétique ? Peut-être le scepticisme moderne traitait-il trop légèrement les intuitions de ces volitions de l’âme débarrassée temporairement du contrôle un peu grossier de la raison et des sens. L’onéiromancie, si religieusement écoutée des anciens, pourrait sans doute expliquer la signification de ce rêve toujours reproduit pour nous, nous y voyons la réalisation prochaine de la navigation céleste : toute idée formulée est accomplie, tout rêve passe dans l’action. L’idée de ce rêve, ce sont les formes immatérielles des choses, et rien ne peut se concevoir qui ne soit, pas même les aberrations les plus monstrueuses ; on n’invente que ce qui existe ou peut exister. L’arabesque la plus fantasque est vaincue par la nature ; les restes antédiluviens, la zoologie de la Nouvelle-Hollande, et le monde fourmillant du microscope solaire sont des copies de toutes les chimères fleuries et animales.

On a l’idée de voler en l’air, on volera ; le problème n’est plus à résoudre, et, depuis Cyrano de Bergerac, ce matamore de génie, qui, le premier a fait dans