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L’ATELIER DE M. INGRES EN 1848.

se continue on entendrait presque ce que dit l’interlocuteur hors du cadre.

La coiffure se compose d’un béret de velours noir qu’accompagne gracieusement une plume blanche. – Cet Athénien de la rue Mazarine a eu la coquetterie de mettre son grand goût au service du journal des modes, et ce béret, que signerait Mme Baudrand, est, malgré son exactitude, du plus beau style grec.

Lorsque le temps aura passé sa patine sur cet admirable portrait, il sera aussi beau de couleur qu’un Titien. Dès à présent, il a une vigueur et un éclat de ton que n’atteindraient que difficilement les coloristes les plus vivaces de notre école.

Jamais M. Ingres n’a fait rien de plus simplement hardi, de plus vivant, de plus moderne dégager le beau du milieu où l’on plonge est un des plus grands efforts de l’art.

Un autre portrait, encore à l’état d’ébauche, surprend par la fierté de l’ébauche et la suprême majesté de l’attitude. Cette femme impériale et junonienne a été sculptée en quelques coups de pinceau dans cette toile blanche, qui ressemble à du marbre de Carrare.

Mais quand M. Ingres le terminera-t-il, lui qui attend, hôte respectueux, que l’inspiration vienne le visiter sans l’aller chercher si elle tarde à venir, de peur de la contraindre, cette belle vierge hautaine