Page:Gautier - Fusains et eaux-fortes.djvu/242

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
237
LA RÉPUBLIQUE DE L’AVENIR.

Jamais les riches n’ont ruiné personne ils ne sont que des pompes aspirantes et foulantes qui renvoient en pluie l’or qu’ils attirent pour prévenir l’accaparement, la nature prévoyante donne au père avare un enfant prodigue, et tout se balance.

Le meilleur moyen pour que les pauvres piétons du trottoir aillent un jour en voiture, c’est qu’il y ait sur la chaussée beaucoup de calèches, de berlines, de coupés et de phaétons. À force de faire des carrosses pour les autres on finit par en garder un pour soi dans un avenir qui pourrait être fort prochain ; personne ne marchera. Le transport en commun réalise déjà ce progrès sous de petites proportions.

L’humanité s’émancipe peu à peu. Aux esclaves ont succédé les serfs, aux serfs les ouvriers ou les prolétaires, comme on les appelle aujourd’hui. L’amélioration est sensible, mais bientôt l’ouvrier sera affranchi lui-même. L’esclave obéissait à son possesseur, qui avait sur lui droit de vie et de mort, le serf à son seigneur d’après certaines conditions ; l’ouvrier n’obéit qu’au travail ; mais voici qu’un esclave nouveau va le remplacer près de ce dur maître ; un esclave qui peut haleter, suer et geindre, marteler jour et nuit dans la flamme sans qu’on ait pitié de lui. Ces bras de fer remplaceront les frêles bras de l’homme. Les machines feront désormais toutes les besognes pénibles, ennuyeuses et répugnantes. L’homme s’occupera seulement de ce qui exige de la