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LE CHEMIN DE FER.

curieux puis ce sont des ponts, des ponceaux, des remblais et toutes sortes d’accidents de terrain qu’il a fallu vaincre. La force de traction est inégale, sans doute à cause des différences de pente ; tantôt l’on va assez vite, tantôt l’on va très doucement, quelquefois pas du tout. Le steam horse a mangé toute son avoine de charbon et il faut aller chercher chez la fruitière la plus voisine un boisseau de braise pour le rallumer, ou bien il a pris la mouche, cassé ses harnais et galope tout seul jusqu’à Saint-Germain.

Le chemin de fer de Bruxelles à Anvers, sur lequel nous avons habité assez longtemps dans notre célèbre voyage en Belgique, nous avait accoutumé à une célérité bien supérieure ; les arbres fuyaient à droite et à gauche comme une armée en déroute ; les clochers disparaissaient et s’envolaient à l’horizon ; la terre grise, tigrée de taches blanches, avait l’air d’une immense queue de pintade ; les étoiles de la marguerite, les fleurs d’or du colza perdaient leurs formes et hachaient de zébrures diffuses le fond sombre du paysage ; les nuages et les vents semblaient haleter pour nous suivre. Quant aux berlines du chemin de fer de Saint-Germain, elles ne dépassent pas, en vitesse, un coucou médiocre.

(La Charte de 1830, 15 octobre 1837.)