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STATUES DE MICHEL-ANGE.

sée, s’enroulent autour de la tête de la déesse penchée comme une fleur fatiguée du jour ; la corne d’un petit croissant reluit sur le haut de son front et donne une grâce charmante à tout ce système de coiffure. Les paupières semblent faire de vains efforts pour rester ouvertes et roulent sur leurs prunelles le sable d’or du sommeil ; le nez est fin, légèrement courbé, d’une coupe élégante, royale ; la bouche a l’air d’une rose effeuillée, tant elle s’épanouit avec langueur et morbidesse ; elle n’est cependant qu’indiquée à la gradine et n’est pas entièrement achevée, mais il est impossible de toucher le marbre plus moelleusement et de répandre un souffle plus humide et plus tiède sur deux lèvres de pierre. La gorge, saisie par la fraîche haleine du soir, dresse ses pointes étincelantes, et un léger grain dans le travail du marbre fait sentir le frisson de la peau, surprise de l’impression de l’air. Des mots expriment mal de pareils effets, et je renvoie à la statue même ; il faut se prosterner et adorer.

L’autre statue représente probablement une heure plus avancée de la nuit, car elle a les yeux presque tout à fait fermés, et tous les muscles de son corps paraissent dénoués par l’assoupissement : la gorge, le ventre, les cuisses sont modelés avec la plus admirable finesse ; ce n’est plus du plâtre, ce n’est plus du marbre, c’est de la chair, de la chair vivante, et qu’on croirait devoir céder sous le doigt. Les contours