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FUSAINS ET EAUX-FORTES.

là pour les fugitives et impalpables inspirations de l’artiste dramatique. Ces fleurs idéales, au parfum enivrant, aux couleurs éclatantes ces pauvres anémones de la poésie qui naissent d’un souffle et meurent d’un souffle entre les planches de la scène sans avoir jamais vu d’autre soleil que le lustre, devraient y laisser leur délicate empreinte, comme ces plantes que les faiseurs d’herbiers compriment entre deux feuilles de papier blanc pour en obtenir un duplicata exact ; — le parfum n’y est plus, il est vrai, mais le port, l’attitude, la forme des pétales et des pistils s’y trouvent fidèlement reproduits, et il est aisé de reconnaître sur ce spectre de neur ce qu’elle a été, fraîche, épanouie.

Malheureusement, les feuilletons sont mal faits. Qu’est-ce, en effet, qu’un feuilleton ? Une espèce de tréteau hebdomadaire où l’auteur vient parader et danser sur la phrase avec ou sans balancier. Les critiques ne sont plus vraiment que les graciosos et les clowns du journalisme ; ils marchent sur les mains, font la roue et le saut du tremplin, portent des échelles sur les dents et n’ont guère d’autre défaut que celui-ci, assez peu important pour des critiques, c’est à savoir qu’ils ne sont pas des critiques du tout.

Leurs feuilletons sont très charmants et du meilleur air les paillettes et les pierreries fausses ou vraies y sont jetées en profusion ; chaque note y