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LES DANSEURS ESPAGNOLS.

grâce. Il ne suffit pas de savoir faire des pas, de sauter très haut et d’agiter un foulard pour être danseuse. L’agilité n’est qu’une qualité secondaire.

Dolorès et Camprubi n’ont aucun rapport avec nos danseurs ; c’est une passion, une verve, un entrain dont on n’a pas d’idée ; ils n’ont aucunement l’air de danser pour gagner leurs feux, comme les autres, mais pour leur plaisir et leur satisfaction personnelle ; il n’y a rien de mécanique, rien d’emprunté et qui sente l’école, dans leur manière ; — leur danse est plutôt une danse de tempérament qu’une danse de principes et l’on y sent à chaque geste toute la fougue du sang méridional. — Une pareille danse avec des cheveux blonds serait un lourd contresens.

Comment se fait-il que cette danse si chaude, si impétueuse, aux mouvements si accentués, aux gestes si libres, ne soit nullement indécente, tandis que le moindre écart d’une danseuse française est d’une immodestie si choquante ? C’est que la cachucha est une danse nationale d’un caractère primitif et d’une nudité si naïve qu’elle en devient chaste la volupté est si franche, l’amour si ardent, c’est si bien les provocantes agaceries, la folle pétulance de la jeunesse, qu’on pardonne facilement à la témérité tout andalouse de certaines allures ; c’est un poème charmant écrit avec des ondulations de hanches, des