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Leïla accourut vers Keïs, mais il ne se leva même pas de la pierre sur laquelle il était assis.

— Ô bien-aimé ! ne me reconnais-tu pas ? dit-elle, pleine d’épouvante.

— Je te reconnais, Leïla, répondit Medjnoun, mais à quoi bon nous unir en ce monde ? Mon amour s’est à tel point agrandi, qu’il a franchi les limites de la terre, mon désir est si vaste, que rien ne pourrait l’assouvir ; la Leïla terrestre n’est pas celle qui convient à l’amour divin qui m’embrase.

— Hélas ! dit Leïla en pleurant, il est fou !

— Non, dit d’une voix douce Medjnoun, qui pâlissait de plus en plus, mais à force de contempler le ciel de mon amour, mes yeux se sont aveuglés et ne peuvent plus voir la terre. C’est au paradis, Leïla, que se feront nos noces éternelles !

Keïs expira quelques instants après, dans les bras de sa bien-aimée, qui ne lui survécut que peu de jours.