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III

SYRA


Demain, dans la journée, nous serons en vue du cap Matapan, nom barbare qui cache l’harmonie de l’ancien nom, comme une couche de chaux empâte une fine sculpture. Le cap Ténare est l’extrême pointe de cette feuille de mûrier aux profondes découpures étalée sur la mer qu’on nomme aujourd’hui la Morée et qui s’appelait autrefois le Péloponèse. Tous les passagers étaient debout sur le pont, regardant à l’horizon, dans le sens indiqué, trois ou quatre heures avant qu’il fût possible de rien distinguer. Ce nom magique de Grèce fait travailler les imaginations les plus inertes ; les bourgeois les plus étrangers aux idées d’art s’émeuvent eux-mêmes et se ressouviennent du dictionnaire de Chompré. — Enfin, une ligne violette se dessina faiblement au-dessus des flots : — c’était la Grèce ; une montagne sortit sa hanche de l’eau, comme une nymphe qui se repose sur le sable après le bain, belle, pure, élégante, digne de cette terre sculpturale.