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380« Ils perdent Charles, et en perdent bien d’autres avec lui.
" — Je n’en sais vraiment pas un, » dit Ganelon, « qui" mérite ce blâme,
« Pas un, si ce n’est Roland ; et il n’en tirera que de la honte.
« L’autre jour encore, l’Empereur était assis à l’ombre.
« Son neveu vint devant lui, vêtu de sa broigne :
385« C’était près de Carcassonne, où il avait fait riche butin.
« Dans sa main il tenait une pomme vermeille :
« Tenez, beau sire, dit-il à son oncle,
« Voici les couronnes de tous les rois que je mets à vos pieds. »
« Tant d’orgueil devrait bien trouver son châtiment.
390« Chaque jour il s’expose à la mort.
« Que quelqu’un le tue : nous n’aurons la paix qu’à ce prix. »Aoi.


XXXII


« Ce Roland, » dit Blancandrin, « est bien cruel
« De vouloir faire crier merci à tous les peuples
« Et mettre ainsi la main sur toutes les terres !
395« Mais, pour une telle entreprise, sur quelle gent compte-t-il ?
« — Sur les Français, » répond Ganelon.
« Ils l’aiment tant qu’ils ne lui feront jamais défaut.
« Il ne leur refuse ni or, ni argent,
« Ni destriers, ni mules, ni soie, ni armures ;
400« À l’Empereur lui-même il en donne autant’ que Charles en désire.
" Il conquerra le monde jusqu’à l’Orient. »Aoi.

que nous reproduisons ici est celui de Gui de Laval, 1105.

385. Carcasunie. La Prise de Carcassonne semble n’avoir été racontée que dans certains Récits qui sont restés à l’état oral. On connaît la fable d’après laquelle une des tours de la Tille, assiégée par Charlemagne, s’inclina respectueusement devant lui, et la légende ; plus curieuse encore dé " dame Carcas » ; qui sut défendre sa ville contre l’effort du puissant Empereur et de tout l’Empire. Voir à la Bibliothèque nationale, — fr. 8048, p. 157 dés « Antiquités de Rullmann », le dessin d’une tête représentant « dame Carcas », laquelle se trouvait à Béziers, au dehors de la porte de Carcassonne.

399. Palies. Nous possédons (sans vouloir ici remonter plus haut) des textes du Ve siècle où le mot pallium a le sens de " tapisserie » ou « tapis ». Dans les plus anciens monuments de notre langue, et en particulier ’dans nos premières Chansons de geste, palie signifie une étoffé de prix, et, plus exactement, une étoffe de soie.