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« Sire, n’oubliez pas surtout que votre sœur est ma femme.
295« J’en ai un fils ; on ne pourrait trouver de plus bel enfant.
« C’est Baudouin, qui, s’il vit, sera un preux.
« Je lui laisse mes terres et mes fiefs ;
« Gardez-le bien ; car je ne le reverrai plus de mes yeux.
« — Vous avez le cœur trop tendre, » lui répond Charles.
300« Puisque je vous l’ordonne, il y faut aller. »Aoi.


XXIII


Le comte Ganelon en est tout plein d’angoisse :
Il rejette de son cou ses grandes peaux de martre.
Et reste avec son seul bliaud de soie.
Il a les yeux vairs et très fier le visage ;.
305Son corps est tout gracieux, larges sont ses côtés,
Ses pairs ne le peuvent quitter des yeux, tant il est beau.
« Fou, » dit-il à Roland, « pourquoi cette rage ?
« On le sait assez, que je suis ton beau-père.
« Ainsi tu m’as condamné à aller vers Marsile !
310« C’est bien ; mais, si Dieu permet que j’en revienne,
« J’attirerai sur toi tel deuil et tel malheur,
« Qui dureront autant que ta vie.
« — Orgueil et folie, » répond Roland.
« On sait trop bien que je ne prends nul souci des menaces.
315« Mais, pour un tel message, — il faut un homme sage,
« Et, si le Roi le veut, je suis prêt à le faire en votre place. »Aoi.


XXIV


« Tu n’iras point à ma place, » dit Ganelon.
« Tu n’es pas mon vassal, et je ne suis pas ton seigneur.
« Charles ordonne que je fasse son service :
320« J’irai donc à Saragosse, vers Marsile ;
« Mais j’y ferai quelque folie

avoir été violette. Tout le long des bordures est cousue de la ganse de soie verte. Ce vêtement n’a qu’un mètre huit centimètres de hauteur. Relevé par la ceinture, il ne devait pas

atteindre les genoux. » (J. Quicherat, Histoire du costume en France, 1815. p. 139.) Le même savant donne (Ibid. p. 118) le dessin d’un bliaud de l’annéé 1181. Voir l’Éclaircissement III.