XVIII
« Seignurs baruns, ki purrum enveier
« A l’ Sarrazin ki Sarraguce tient ? »
Respunt Rollanz : « J’i pois aler mult bien.
« Ne l’ ferez certes, dist li quens Oliviers,
« Vostre curages est mult pesmes e fiers :
" Jo me crendreie que vus vus meslisiez.
« Se li Reis voelt, j’ irai mult volentiers.
Li Emperere si enbrunchet le chief.
Après lur dist : « Ambdui vus en taisiez,
« Ne vus ne il n’i porterez les piez.
« Par ceste barbe que veez blancheier,
« Li duze Per mar i serunt jugiet. »
Franceis se taisent : as les vus aqueisiez.Aoi.
XIX
Turpins de Reins en est levez de l’ renc,
À Carle escriet de sa voiz halte e grant :
« Bels sire reis, laissiez ester voz Francs.
« En cest païs avez estet set anz,
« Mult unt oüt e peines e ahans.
« Dunez m’en, Sire, le bastun e le guant,
« E jo irai à l’ Sarrazin Espan :
« Si li dirai alques de mun semblant. »
256. Vostre curages est mult pesmes.
Le caractère d’Olivier et celui
de Roland sont ici mieux dessinés que
dans tous nos autres poèmes. Olivier y
est le type du courage réfléchi, et Roland
nous offre celui du courage sans
calcul et sans modération : Rollanz
est pruz e Oliviers est sages (v. 1093).
262. Li duze Per. L’origine des douze Pairs est complexe. D’une part, il est certain que le compagnonnage militaire est essentiellement une idée germanique, et les douze. Pairs ne sont en réalité que les membres d’un compagnonnage de ce genre : on les appelle
même " les douze Compagnons ". Hais, d’autre part, le chiffre douze, bien qu’il soit consacré parmi les tribus germaniques, nous semble d’origine chrétienne. Bref, on a donné à Charles douze Pairs, parce que le Christ avait eu douze apôtres. = M. G. Paris (Histoire poétique de Charlemagne, p. 417) dit que la conception des douze Pairs n’apparaît pas dans notre poésie primitive. Cette opinion, nous semble excessive, puisque nous trouvons les douze Pairs dans, le Roland. dans le Voyage à Jérusalem, dans la Karlmnagnus Saga et même dans