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160 Les dis messages ad fait enz hosteler ;
Duze serjant les unt bien cunreoz.
La noit demurent tresque vint à l’jur cler.
Li Emperere est par matin levez ;
Messe e matines ad li Reis escultet.
165 Desuz un pin en est li Reis alez,
Ses baruns mandet pur sun cunseill finer :
Par cels de France voelt il de l’tut errer.Aoi.


XII


Li Emperere s’en vait desuz un pin ;
Ses baruns mandet pur sun cunseill fenir :
170 Le duc Ogier, l’arcevesque Turpin,

166.Sun cunseill. Près de l’Empereur ou du Roi frank se tient toujours, dans nos chansons, un Conseil donc l’origine est germaine. Les Cours plénières de nos romans rappellent les Champs de mai. Mais il fallu distinguer entre la « cour plénière » et le « conseil » proprement dit. Dans le Conseil, l’Empereur prend l’avis de ses barons, mais n’est aucunement forcé de le suivre. En d’autres termes, les conseillers n’ont ici qu’une autorité toute consultative, et c’est au Roi seul qu’appartient la décision. Le Conseil, d’ailleurs, semble se transformer plus d’une fois en haute Cour, quand il s’agit de juger, un des hommes du roi : c’est l’ancien placitum palatii ; c’est le tribunal qui, à la fin de notre poème, jugera le traître Ganelon.

170. Ogier. Ogier le Danois, un des plus célèbres héros de notre épopée nationale. Il est fils de Geoffroi, roi de Danemark, qui est forcé de le laisser en otage à la cour de Charlemagne. Les ambassadeurs du roi de France ayant été insultés par Geoffroi, Ogier est condamné à mort et va périr, lorsqu’on se décide soudain à une grande expédition en Italie. Le Danois devient rapidement le héros de l’armée française : il est vainqueur, dans un double combat, de Caraheu et de Brunamont, et, grâce à lui, Charles peut faire ; son entrée à Rome. (Chevalerie Ogier, poème du XIIe siècle, attribué à Raimbert de Paris, vers 174 — 3102.) Ogier est devenu le favori du roi de France, lorsqu’un jour, dans une de ces parties d’échecs dont nos épopées ont tant abusé, son fils, Baudouinet, est tué par le fils de l’Empereur, par Charlot (v. 8152-81&0). Do là une haine irréconciliable du Danois contre le roi de France. Il veut tuer Charlot, et, sur le point de tomber aux mains de ses ennemis, se réfugie à la cour du roi Didier, à Pavie. Charles déclare la guerre au Lombard, et lui livre une formidable bataille où Ogier fait en vain des prodiges de valeur (v. 8181-5838). C’est alors qu’a lieu ce fameux siège de Castelfort, qui a été si populaire durant tout le moyen âge. Ogier, affamé et tout près de succomber, parvient à s’ouvrir un chemin ; mais, de nouveau poursuivi, il est fait prisonnier, et le voilà captif à Reims (v. 5884- 94240. Charles l’y veut laisser mourir de faim ; mais une invasion des Sarrasins le force un jour à faire un nouvel appel au courage du Danois, qui se bat contre le géant Bréhus et sauve la France (v. 9425-12969). Il reçoit en récompense le comté de Hainaut, et y meurt en’odeur de sainteté (v.