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Pas un païen, pas un qui réponde un seul mot,
Hors Blancandrin, du château de Val-Fonde.Aoi.


III


Blancandrin, parmi les païens, était l’un des plus sages,
25Chevalier de grande vaillance,
Homme de bon conseil pour aider son seigneur :
« Ne vous effrayez point, » dit-il au Roi.
« Envoyez un message à Charles, à ce fier, à cet orgueilleux ;
« Promettez-lui service fidèle et très grande amitié.
30« Faites-lui présent de lions, d’ours et de chiens,
« De sept cents chameaux, de mille autours qui aient mué ;
« Donnez-lui quatre cents mulets chargés d’or et d’argent,
« Tout ce que cinquante chars peuvent porter.
« Bref, donnez-lui tant de besants d’or pur.« Que le roi de France enfin puisse payer ses soldats.
35«Mais il a trop longtemps fait la guerre en ce pays
" Et n’a plus qu’à retourner en France, à Aix.
« Vous l’y suivrez, — direz-vous, — à la fête de saint Michel ;
« Et là, vous vous convertirez à la foi chrétienne,« Vous serez son homme en tout bien, tout honneur.
40«S’il exige des otages, en bien ! envoyez-en

que Charles donne une grande fête, à l’occasion de la soumission de Marsile et de la fin de la guerre. (T. 37 et 53.) Au moment où Roland va mourir, un tremblement de terre agite le sol de toute la France, et l’un des quatre points extrêmes que le poète indique est Saint-Michel-du-Péril. (V. 1428.) Enfin, quand Roland meurt, c’est saint Michel du Péril qui descend près de lui. (V. 2394.) Or, Saint-Michel - du - Péril, c’est le Mont - Saint-Michel, près d’Avranches, et la «teste seint Michiel », dont il est ici question, tombe le 16 octobre. D’anciens Martyrologes attestent que l’on célébrait ce jour-là l’apparition, en 708, du glorieux archange à saint Aubert, évêque d’Avranches, et c’est cette apparition qui donna sujet à ce prélat de

bâtir la fameuse abbaye du Mont-Saint-Michel. = Cette fête du 16 octobre a été célébrée dans toutes les églises de la seconde Lyonnaise et jusqu’en Angleterre. (Synode d’Oxford, en 1222, Calendarium Exoniense, etc.) Quant au nom même de saint Michel du Péril, il est des plus populaires, et, dans les textes des XIe- XIIe siècles, on voit souvent figurer le récit de certains pèlerinages ad sancti Michaelis periculum on ad montem sancti Michaelis de periculo maris. = Quoi qu’il en soit, saint Michel du Péril et la fête du 16 octobre jouent dans le Roland un rôle trop important pour que notre poète n’ait pas, à tout le moins, connu très particulièrement l’abbaye normande et son pèlerinage.