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À SARAGOSSE. —
CONSEIL TENU PAR LE ROI MARSILE


I


Charles le Roi, notre grand empereur,
Sept ans entiers est resté en Espagne :
Jusqu’à la mer, il a conquis la haute terre.
Pas de château qui’ tienne devant lui,
5Pas de cité ni de mur qui reste encore debout
Hors Saragosse, qui est sur une montagne.
Le roi Marsile la tient, qui n’aime pas Dieu,


6. Sarraguce. «Il restait un château que l’Empereur n’avait pu réduire : on l’appelait Saragus, et il était sur une montagne élevée. » (Keiser Karl Magnus’s kronike) On voit avec quelle exactitude le petit livre danois calque parfois le Roland.

7. Marsilies. Ce personnage n’a rien d’historique ; mais son rôle est considérable dans la légende. Un Marsile figure dans le récit des " enfances » de Charlemagne : c’est le frère de cette Galienne qui fut la première femme du grand Empereur (Charlemagne de Girart d’Amiens, compilation du commencement du XIVe siècle, etc.). Dans le Karl du Stricker (poème allemand d’environ 1230), ce même Marsile nous est présenté, tout au contraire, comme l’allié du jeune Charles. Mais ce n’est point là le véritable Marsile, et les poètes du moyen âge ont usé, ici comme ailleurs ; de ce procédé qui consiste à donner le même nom à des personnages de même physionomie. Voici maintenant ce qui concerne réellement le héros païen du Roland... D’après l’Entrée en Espagne (poème du XIVe siècle mais renfermant des fragments du XIIIe et qui copie ici le

faux Turpin), c’est contre Marsile qu’est dirigée la grande expédition de Charles au delà des Pyrénées. Le fameux géant Ferragus, contre lequel luttent les douze Pairs et dont le seul Roland triomphe, n’est autre que le neveu de Marsile. Sous les murs dé Pampelune, le roi de France trouve devant lui le même ennemi, et l’auteur de la Prise de Pampelune (commencement du XIVe siècle) nous fait assister à la fin de ce siège célèbre : c’est alors que Marsile ordonne la mort des deux ambassadeurs de Charles, Basin et Basile, et qu’il perd dix de ses meilleures villes. C’est Marsile encore qui, dans Gui de Bourgogne (XIIe siècle), résiste aux armées chrétiennes. Quant à la Chronique de Turpin, (qui, sauf les cinq premiers chapitres, à dû être rèdigée vers 1109-1119), elle fait do Marsire un frère de Beligand, et nous les montre chargés tons deux par l’Émir de Babylone de tenir tête aux Français. Le récit latin rapporte, avec de grands détails, l’ambassade et la trahison de Ganelon, le désastre de Roncevaux et la mort de Marsile, que Roland frappe d’un coup mortel quelques instants seulement avant de mourir lui-même (cap. XXI-XXIII). = Tous les documents poétiques du moyen

    vieux poème) dit ici : " L’Empereur avait soumis l’Espagne et la Galice. »