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aux habitudes anglo-normandes du copiste[1], nous sommes arrivés, suivant le témoignage de M. Theodor Müller, « à restituer la Chanson de Roland normande, si misérablement défigurée sur la recension anglo-normande. »

Nous avons été plus loin.

Ayant toujours considéré le Roland comme l’Iliade de la France et, par conséquent, comme le plus classique de tous nos textes du moyen âge, nous n’avons pas craint de le ramener à l’unité orthographique. Mais qu’on ne se méprenne point sur un tel travail. Jamais, dans notre édition, jamais un seul mot n’a reçu une forme orthographique qui ne sot pas offerte par le manuscrit d'Oxford. Si ce manuscrit nous fournit plusieurs formes, nous choisissons la meilleure au double point de vue phonétique et grammatical, et nous maintenons cette forme toujours et partout. En réalité, nous nous sommes dit que la Chanson de Roland est véritablement un texte exceptionnel, et qu’elle méritait ce labeur. Avant que l’Iliade ait revêtu sa forme définitive, elle a dû subir, dans sa forme originale, bien des corrections analogues ou semblables. Et nous ne croyons point avoir témoigné moins de respect envers le granit du Roland que tant de correcteurs envers le marbre d’Homère.

Ce n’est pas tout encore. Le texte d’Oxford présente des lacunes considérables : lacunes de mots, de vers ou de couplets. Nous les avons partout comblées à l’aide des textes de Venise IV et de Roncevaux. Mais le plus difficile était ici de restituer un texte conforme aux lois de notre dialecte. Nous avons tenté cette restitution pour plus de cinq cents vers, que nous avons ajoutés au texte de la Bodléienne et intercalés dans notre texte en les traduisant. Il y a là tout un système, que l’on n’avait pas encore appliqué, semble-t-il, aux éditions de nos vieux textes.

Nous avons revu notre Traduction. Il y a, dans l’interpréta-

  1. Notre scribe n’a pas tous les défauts des scribes anglo-normands. Il n’emploie jamais le th au lieu du d (fetheil) ; il n’emploie pas l’m devant l’f (emfes) ; il ne se sert pas de la notation er pour les verbes issus des verbes latins de la 2e conjugaison (aver) ; il n’a pas les notations en aunt, etc. Mais son texte offre ces deux traits caractéristiques de tous les ouvrages copiés en Angleterre : l’altération des règles de la déclinaison romane et la confusion perpétuelle entre les notations é et , etc. Voy.. dans notre septième édition (pp. 403 et suiv.), les Notes pour l’ établissement du texte.