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et l’on peut dire que la seconde popularité de notre Chanson ne date vraiment chez nous que de l’édition et de la traduction de Génin[1]. Ce n’est pas, d’ailleurs, que ce livre soit un chef d’œuvre ; mais c’est qu’il est plein d’enthousiasme et de foi. Génin a cru à Roland, et s’est passionné pour la beauté de celle Iliade dédaignée. Jusque-là notre Chanson n’avait été que connue : désormais elle fut aimée.

Ce qui manquait encore aux érudits, c’était un bon texte. Un Allemand, M. Theodor Müller, le leur donna[2]. Certes ce n’était pas une édition « critique » ; mais on y trouvait déjà mille corrections et restitutions des plus ingénieuses, et elle a été, pendant de longues années, la base la plus solide de toutes les études sur le Roland.

En France, le travail des traductions était celui qui séduisait le plus d’esprits. Je ne veux rien dire ici de celle de M. Alexandre de Saint-Albin, ni surtout de celles de Jônain et de Lehugeur. À coup sûr, la meilleure est celle du baron d’Avril[3], qui s’est attaché à reproduire le rythme de l’original, et a traduit les décasyllabes du XIe siècle en vers blancs de la même mesure. La tentative fut heureuse autant que hardie, et M. d’Avril, qui, dans sa belle Introduction, avait fait preuve de l’esprit le plus élevé et le plus philosophique, eut encore le rare mérite de vouloir donner à son livre une diffusion véritablement populaire. Grâce à lui, on a pu vendre enfin un Roland à bon marché, et il a pu pénétrer partout.

En Allemagne, cependant, on ne rêve que d’éditions critiques, et nos voisins prennent l’heureuse habitude d’en publier une tous les ans. M. Boehmer a publié la sienne sans introduction et sans notes. On ne saurait, à coup sûr, lui reprocher d’être timide ; mais les hypothèses heureuses abondent

  1. La Chanson de Roland, poème du Théroulde, texte critique accompagné d’une traduction et de notes, par F. Génin, Imprimerie nationale, 1850, in-8o.
  2. La Chanson de Roland, nach der Oxforder Handschrift von neuem herausgegeben, erlautert und mit cinem vollstandigem Glossar versehen, von Theodor Müller, professor an der Universitat zu Goettingen : Goettingen, Dieterich, 1863. = Une première édition avait paru en 1851 à la même librairie.
  3. La Chanson de Roland, traduction nouvelle, avec une Introduction et des Notes, par le baron d’Avril. Il a paru trois éditions, la première, in-8o, chez B. Duprat, en 1865 ; la seconde, in-18, chez Albanel (pour la Société de Saint-Michel), en 1866 ; la troisième, petit in-18, (par les soins de la Société Bibliographique), en 1877.