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{Tiret2|jus|qu’au}} vers 2570, tirade par tirade et presque vers par vers.— Famille allemande ; a. Ruolandes Liet du prêtre Conrad (XIIe siècle), qui est en grande partie calqué sur un texte français assonancé ; b. le Karl du Stricker (vers 1230), et c. le Karl Meinet, du commencement du XIVe siècle, dérivent aussi, l’un et l’autre, d’un original français. — À ces deux familles, il faudrait joindre, suivant M. Rambeau : une famille néerlandaise, composée de fragments qui sont en rapport avec le texte d’Oxford, mais qui remontent directement à la source allemande ; et la Chronique de Turpin, qui représente, à nos yeux comme à ceux de Guido Laurentius, un état plus ancien de la tradition rolandienne.

Cette classification est excellente ; mais on la peut simplifier. On peut en écarter tout d’abord les deux dernières familles (5 et 6), que M. Rambeau abandonnerait lui-même assez volontiers. Il convient encore d’ajouter que, pour l’éditeur d’un texte critique, les rédactions nordique et allemande (3 et 4) n’offrent, à raison de leur langue, que des ressources relativement restreintes. Restent donc les familles 1 et 2, et c’est ici que nous aurions peut-être à modifier la classification Rambeau-Stengel. On n’y fait pas une place assez importante à la rédaction de Venise (fr.IV).

Sans doute nous admettons avec MM. Foerster et Stengel que les deux manuscrits d’Oxford et de Venise IV appartiennent à la même famille et, pour dire la chose plus nettement, qu’ils dérivent d’une source commune, déjà corrompue, et par conséquent distincte de l’original. Sans doute le texte de Venise IV a un certain nombre de fautes communes avec celui d’Oxford, et nous n’ignorons pas que cette communauté d’erreurs est le signe auquel on reconnaît sûrement les manuscrits d’une même famille. Mais indépendamment des fautes communes à Oxford et à Venise IV, le copiste du texte d’Oxford en a commis, pour son compte, une foule d’autres, lesquelles peuvent et doivent être corrigées avec le texte de Venise IV. Mais ce même scribe du manuscrit d’Oxford est également coupable de nombreuses et importantes lacunes, lesquelles peuvent et doivent être comblées avec le texte de Venise IV. Il faut conclure de là, fort rigoureusement, que sans faire une famille distincte de Venise IV, on peut et on doit tirer de ce texte un parti aussi avantageux que s’il formait a lui seul une famille spéciale, et c’est en ce sens seulement qu’on lui a parfois donné le nom de « famille ». = Bref, sans dédaigner le témoignage très précieux et nécessairement utilisable des documents nordiques et allemands, nous nous trouvons définitivement en présence de trois groupes, ou de trois familles principales : la première est représentée par le manuscrit d’Oxford ; la seconde par celui de Venise (fr. IV) ; la troisième par les différents textes du Roman de Roncevaux.= Voici donc le système qui sera par nous adopté dans cette huitième édition : Quand une leçon nous sera fournie à la fois par Oxford et Venise IV, nous l’adopterons de préférence à celle que nous présentent le Roncevaux de Paris et nos autres remaniements.— Quand une leçon nous sera fournie à la fois par Venise IV et par l’un de nos remaniements, nous l’adopterons de préférence à celle que nous offre le manuscrit d’Oxford. — Quand une leçon nous sera fournie à la fois par Oxford et par l’un de nos remaniements, nous l’adopterons de préférence à celle que nous trouverons dans Venise IV.

Mais il ne faut pas croire, d’ailleurs, que ce travail nous fournisse un nombre excessif de corrections ; car le texte de Venise IV, qui est effroyablement italianisé et où l’on change si aisément les assonances en rimes, présente lui-même des lacunes assez considérables et une quantité notable de fautes grossières. Les remaniements, d’autre part, n’ont conservé qu’un certain nombre de couplets primitifs, et on y a ramené presque toutes les tirades au système des rimes, lequel apporte des changements sans fin au texte primitif. Force nous a donc été de corriger un certain nombre de fautes d’Oxford avec les ressources et les éléments d’un seul texte ; mais nous ne l’avons jamais fait qu’en cas d’évidence absolue ou de très forte probabilité.

En résumé, nous avons corrigé et complété le texte d’Oxford : 1° toutes les fois que sur ces trois textes (Oxford, Venise IV et Roncevaux) il y en a deux d’accord contre un seul ; 2° quand, à défaut de l’accord de deux textes contre un seul, nous pouvons constater une lacune ou