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de l’écu était, en effet, « peint à fleurs » (1810, etc) ; c’est-à-dire qu’on y peignait des dessins d’enroulement romans, des fleurons ou des rayons. Plus d’une fois, il est revêtu de couleurs vives : L’escut vermeil li freint. (1576.) Tut li trenchat le vernieill a l’azur. (1557) ; le vermeil e le blanc. (1299.) On va jusqu’à le dorer, du moins en partie, : L’escut, li freint ki’ est ad or e à flurs 1354) ; mais il ne s’agit peut-être ici que de la boucle. Enfin. l’écu merveilleux du païen Abisme est chargé de pierres, d’améthystes, de topazes, etc : (1680 et suivants.)

Au centre de l’écu est la boucle (voir les fig. 7,10 et 14), et c’est à cause de la boucle que l’on dit : escut bucler, (1283), et que plus tard on dira un « bouclier » tout court. Là boucle (umbo) est une proéminence au centre de l’écu. Cette proéminence, qui, comme nous l’avons dit, est formée d’une armature de fer, est assez large : Cez bucles lées. (3S70.) La boucle est dorée. (1283.) Dans les écus riches, on réserve un creux au centre de l’armature de fer, et on y place une boule de métal précieux, ou quelque pierre fine, ou quelque verroterie. El c’est ainsi, croyons-nous, qu’il faut interpréter les vers suivants : D’or est la bucle e de cristal listet. (3149.) La bucle d’or mien. (1314.) Tute li freint la bucle de cristal. (1263.) = La Chanson de Roland ne parle pas d’armoiries sur l’écu. S’il est question quelque part d’escuz de quartiers (3867), il ne s’agit ici sans doute que des divisions naturelles de l’écu, de ces divisions que produisaient les bandes de fer destinées à soutenir le cuir sur le fût. = Le chevalier passait son bras dans les anses, dans les enarmes de l’écu, et, pendant le combat, il le tenait serré contre son coeur. Mais, durant la marche, les chevaliers, embarrassés de cet énorme écu, de ce grant escut let (3148), le pendaient à leur cou : Pent à sun col un escut de Biterne. (2991, et aussi 713, 1292, etc.) En lur cols pendent lur escuz de quartiers. (3867.) = La bande d’étoffe ou de cuir qui servait à suspendre le bouclier (voir la fig. 5) s’appelait la guige : Pent à sun col un soen grant escut let.La guige est d’un bon palie roet. (3148, 3150.) = Targes, employé une fois dans notre Chanson (Targes roées, 3569), nous paraît ici le synonyme d’escuz. = Nous avons ailleurs parlé des cors et de l’Olifant, et nous faisons de nouveau passer sous les yeux de nos lecteurs la représentation d’un cor d’ivoire d’après un monument du XIIe siècle.

Fig. 15. - Cor d’ivoire du XIIe siècle. (D’après les Nouveaux Mélanges archéologiques du P. Cahier, t. II. p. 36.).

— Quelques mots. sur les éperons. Ils se placent sur la chaussure ordinaire : Esperuns d’or ad en ses fiiez fermez. (345 et 3863.), Ils sont toujours " d’or pur », ou plutôt « dorés » : Sun cheval brochet des esperuns d’or mier (1606) ; d’or fin. (3353.) = Les éperons sont pointus (voir les fig. 5, 6, 7, 12) et non pas à molettes ; Brochent