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bliaut est Hues demorés. (Barstch, Chrestomathie française, 56, 31.) = Pour le haubert, il s’appelle dans notre poème brunie ou osberc. Quelquefois il est vrai, brunie paraît avoir un sens distinct : Osbercs vestuz e lur brunies dubleines. ( 3088.) Mais la synonymie est presque partout évidente. = A l’origine, la brunie paraît avoir été une sorte de grosse tunique de cuir, sur laquelle on avait cousu un certain nombre de plaques ou de bandes métalliques. Mais au lieu de plaques et de bandes, ce furent quelquefois des anneaux cousus sur l’étoffe (voy. p. e. la fig. 12) et de plus en plus rapprochés les uns des autres. (Voir la tapisserie de Bayeux, pl. V et XV.) De là au vêtement de mailles il n’y a pas loin.

Fig. 12. — D’après le sceau de Gui IV, de Laval. 1095.

Suivant un autre système qui ne nous semble pas suffisamment prouvé, les Sarrasins auraient possédé avant nous de ces vêtements, et les auraient fabriqués avec une certaine perfection que les chrétiens purent imiter. De là peut-être, dans notre poème, la célébrité des osbercs sarazineis. = Quoi qu’il en soit, et quel que soit ailleurs le sens de ce mot, la brunie de la Chanson de Roland est absolument et uniquement un haubert, un vêtement de mailles parfait. Elle se termine en haut par le capuchon de mailles qui se lace au heaume. (3432 et suivants.) Elle s’attache sur le menton, qu’elle préserve, et cette partie de la brunie s’appelle la « ventaille » : De sun osberc li rumpit la ventaille. (1298, 3449.) Quant à la chemise en elle-même, nous ne trouvons malheureusement aucune indication dans notre poème qui nous apprenne jusqu’à quelle partie du corps elle descendait. C’est un précieux élément de critique qui nous fait ici défaut. = Dans la tapisserie de Bayeux (pl. V, VI, etc.), la partie du haubert qui recouvre la poitrine est très souvent munie d’une pièce carrée, qui ressemble à un cadre. Il est probable que cette pièce (dont il n’est pas fait mention dans le Roland) servait à cacher la fente supérieure du haubert. (Voir la fig. 16.) = Les épithètes que notre poète donne le plus volontiers au haubert sont celles-ci : blancs ( 1022, 1329,1946, 3484), forz (3864), legiers, (2171, 3864.) Les mailles sont très distinctement indiquées. Elles sont de différentes qualités. Celles des chefs de l’armée sont très