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elle comme avec une compagne intelligente, comme avec un être vivant et raisonnable… Mais il faut ici passer aux détails matériels. = Il semble que l’épée des chevaliers de notre poème ait été assez longue. Le Sarrasin Turgis dit quelque part : Veez m’espée ki est e bons e lunge. (925.) C’est d’ailleurs le seul texte qu’on puisse citer sur ce point, qui demeure obscur. = Cependant l’épée normande était à lame courte et large (Demay, le Costume de guerre, 141 ) et, dans presque toute sa longueur, offrait une gorge d’évidement. = L’épée se ceignait au côté gauche : Puis ceint s’espée à l’ senestre costet. (3143.) Elle était enfoncée dans un fourreau (voir la fig. 10) qui est nommé une seule fois dans toute la Chanson. Au moment où Ganelon est insulté par Marsile : Mist la main à s’espée ; — Cuntre dous deie l’ad de l’ furrer getée. (444-445.) Et Olivier se plaint, dans le feu de la mêlée, de n’avoir pas le temps de tirer son épée : Ne la poi traire. (1365.) On trouve, dans la tapisserie de Bayeux, cent représentations fort exactes du fourreau. (Voir la fig. 7.) = Nulle part il n’est ici question du baudrier. = L’épée est en acier. Pour louer une épée, on dit qu’elle est bien fourbie. (1925.) Joyeuse, l’épée de Charlemagne, a une clarté splendide : Ki cascun jur muet trente clartez (2302) ; Ki pur soleill sa clartet ne muet. (2990.) Une des qualités de Durendal, c’est d’être « claire et blanche ». (1316.) L’acier de Vienne paraît avoir été particulièrement célèbre (997), à moins que ce mot — ce qui est fort possible — n’ait été placé là pour les besoins de l’assonance. Il est dit ailleurs que les bonnes épées sont de France et d’Espagne. (3889. ) = La pointe de l’épée ou du brant est formée par la diminution insensible de la lame. Elle a le même nom que la pointe de la lance : c’est l’amure : De l’brant d’acier l’amure li presentet. (3918.) — L’épée se termine par un helz et un punt. Précisons la valeur de ces mots : D’or est li helz e de cristal li punz. (1364.) Le helz, ce sont les quillons ; le punz, c’est le pommeau. Ce pommeau est parfois de cristal, c’est-à-dire de cristal de roche (1364, 3435) ; il est doré : En l’oret punt l’ad faite manuvrer (2506 et aussi 2344) ; il est assez considérable, généralement plat et toujours creux, et c’est la coutume des chevaliers d’y placer des reliques : En l’oret punt asez i ad reliques. (2344, et aussi 2503 et ss. ) Charlemagne a fait mettre dans le pommeau de son épée l’amure de la lance avec laquelle Notre Seigneur a été percé sur la croix. (2503 et ss.) L’auteur, comme on le voit, ne connaissait pas la légende de la Table Ronde : Asez savum de la lance parlerDunt Nostre Sire fut en la cruiz naffret.Carles en ad l’amure, mercit Deu. — En l’oret punt l’ad fait manuvrer.Pur ceste honur, e pur ceste bontet.Li nums Joiuse l’espée fut dunet. Quant au pommeau de Durendal, il contient quatre reliques précieuses : du vêtement de la Vierge, une dent de saint Pierre, du sang de saint Basile et des cheveux de saint Denis. (2343 et ss.) Bref, le pommeau est ou peut devenir un reliquaire. = Le helz, avons-nous dit, représente les quillons, lesquels sont très souvent droits et quelquefois recourbés vers la pointe de l’épée. Ils sont généralement dorés ; d’où l’expression espées enheldées d’or mier. 3866.) Il parait plus difficile, au premier abord, de comprendre les mots suivants : Entre les helz ad plus de mil manguns. (621.) . Mais le texte de Versailles nous en donne une explication acceptable : Entre le heut et le pont qui est en son, — De l’or d’Espaigne