Page:Gautier - Chanson de Roland onzieme edition 1881.djvu/433

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


ÉCLAIRCISSEMENT II


HISTOIRE POÉTIQUE DE ROLAND



I. Naissance de Roland.

Roland, dans toute notre légende épique, est représenté comme le neveu de Charlemagne.

La mère de Roland s’appelle Berte dans le Charlemagne de Venise (XIIe-XIIIe siècle), Bacquehert dans Acquin (XIIe siècle), Gille, Gilain, dans la plupart de nos autres poëmes. Si ce dernier nom est un souvenir historique de Gisèle, sœur de Charlemagne, ce souvenir est faux : car Gisèle fut toute sa vie religieuse à Chelles. Quoi qu’il en soit, Gille ou Gilain nous est offerte dans la plupart de nos vieux poëmes, comme la sœur de Charles.

D’après Une légende qui n’apparaît pas avant le XIIe siècle, le père de Roland aurait été Charlemagne lui-même. (V. la Karlamagnus Saga, XIIIe sièçle, 1re branche, 36, etc.) Tel est peut-être ce grand péché que l’Empereur omit à dessein dans sa confession à saint Gilles, et dont plusieurs textes parlent avec mystère, sans rien préciser. (Légende latine de saint Gilles, Acta sanctorum septembris, I, 302, 303 ; mais ce texte ne peut s’appliquer qu’à Charles-Martel. – Adam de Saint-Victor : prose Promat pia vox, etc. ; XIIe siècle. – Office de Charlemagne, composé en 1165 ; – Kaiserscronik, XIIe siècle ; – Ruolandes liet, poëme du curé Conrad, XIIe siècle ; – Huon de Bordeaux, fin du XIIe siècle ; – Carolinus, de Gille de Paris, poëme latin composé pour l’éducation de Louis, fils de Philippe-Auguste ; – Philippe Mouskes, vers 1240 ; – Légende dorée, XIIIe siècle, etc.)

Une autre légende fait naître Roland près d’Imola, de la sœur de Charles et du sénéchal Milon. (Charlemagne, de Venise, XIIIe siècle.)

D’autres poëmes enfin semblent croire à la naissance très-légitime et très-pure de notre héros. Le Roland est de ce nombre, et, ici comme partout, c’est encore la meilleure de toutes les sources.


II. Enfances de Roland.

Sur les premières années de Roland, nous n’avons d’autre témoignage légendaire que le Charlemagne de Venise… Le fils de Berte et du sénéchal Milon grandit dans la misère et l’abandon. Un jour, l’enfant rencontre la grande armée de Charlemagne qui revient de délivrer Rome. Roland se précipite dans le palais de Sutri, qu’habite l’Empereur : il y est accueilli, et réjouit bientôt toute la cour par sa belle humeur et son esprit. Naimes, le sage conseiller, soupçonne que le petit bachelier doit être de bonne race ; on suit l’enfant et l’on découvre la pauvre Berte avec Milon. Charles veut les frapper ; car il n’a point pardonné à Berte sa fuite coupable avec le sénéchal. Mais Roland ne craint pas de défendre sa mère, et