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et ss.) Mais, pendant qu’Olivier emporte le géant blessé, il est cerné par les païens et tombe en leur pouvoir. (Ibid., 2631-1S62.) Fierabras, baptisé, devient soudain un tout autre homme : il se fait l’allié des Français et s’apprête à combattre son propre père, l’émir Balant. (Ibid., 1803-1994.) Quant à Floripas, sa soeur, elle ne rêve que de se marier avec Gui de Bourgogne. (Ibid., 2255.) Mais les événements ne tournent pas à l’avantage des chrétiens, et Balant se rend maître de Gui, de Roland, de Naimes et des premiers barons français. (Ibid., 2256-2712.) Floripas entreprend de les délivrer, et y réussit. (Ibid., 2713-5861.) Balant lui-même est fait prisonnier, et, plutôt que de recevoir le baptême, va au-devant de la mort. C’est Floripas elle-même qui. fille dénaturée, se montre la plus impitoyable pour son père : Balant meurt. (Ibid., 5862-5991.) Floripas épouse enfin Gui de Bourgogne et apporte à Charlemagne les reliques de la Passion, qui sont l’objet, le véritable objet de toute cette lutte. Dieu atteste leur authenticité par de beaux miracles. C’est trois ans après que Ganelon trahit la France et vend Roland[1]. (Ibid., 5992-6219.)

Au commencement d’Otinel (XIIIe siècle), l’Empereur tient cour plénière à Paris. (Edition Guessard et Michelant, vers 23 et ss.) Survient un messager païen du roi Garsile : « Abandonne ta foi, » dit-il à Charles, « et mon maître daignera te laisser l'Angleterre et la Normandie. » (Ibid.., 137 et ss.) C’était ce Garsile qui avait pris Rome, et son messager lui-même, Otinel, l’y avait singulièrement aidé. (Ibid., 91 et ss.) Roland s’irrite d’un message aussi insolent, et défie Otinel. (Ibid., 211-216.) Entre de tels champions, c’est un duel terrible. Le Ciel y intervient, et, au milieu du combat, Otinel s’écrie : « Je crois en Dieu. » On le baptise, et Charles va jusqu’à lui donner sa fille Bélissent en mariage (Ibid., 262-659) ; Otinel devient alors l’appui de la chrétienté et l’ennemi de Garsile. (Ibid., 660-1915.) Au milieu de cette guerre, Ogier est fait prisonnier, mais parvient à s’échapper. (Ibid., 1916-1945.) La grande et décisive bataille est à la fin livrée : Otinel tue Garsile, et l’on célèbre joyeusement ses noces avec Bélissent[2]. (Ibid., 1948-2132.)


V. L’ESPAGNE.

Charles se repose de tant de guerres, et, au milieu de sa gloire, oublie le vœu qu’il a fait jadis d’aller délivrer l’Espagne et le « chemin des Pèlerins ». Saint Jacques lui apparaît et lui

  1. Le Fierabras, gue nous venons de résumer, n’est pas la version la plus ancienne de ce poème. Suivant M. G. Paris, il a existé une Chanson antérieure, qui.pouvait bien avoir pour titre : Balant. Ce poème commençait par le récit d’une prise de Rome que les Sarrasins enlevaient aux chrétiens ; Charles arrivait au secours des vaincus, et c’est alors qu’avait lieu le combat d’Olivier et de Fierabras. C’était tout, et il n’y avait là que le développement de deux lieux communs épiques : « le Siège de Rome » et « le Duel avec un géant ». Notre poème n’offre que le dernier de ces lieux communs ; mais, comme nous l’avons dit plus haut, M. Groeber a retrouvé dans le manuscrit 578 de la Bibliothèque municipale, de Hanovre la première branche du Fierabras, et l’a publiée, sous le titre de « la Destruction de Rome », dans la Romania (II, p. 1 et ss.). = Fierabras, comme le Voyage à Jérusalem, a été composé pour être chanté à la foire du Lendit, où l’on faisait une exhibition solennelle de certaines Reliques de la Passion. (V. nos Épopées françaises, 2° édition, III.)
  2. Otinel ne contient rien de légendaire : c’est une œuvre de pure imagination. = Cf. l’épisode d’Ospinel dans le Karl Meinet, compilation allemande du commencement du XIVe siècle, et le récit de Jacques d’Acqui (fin du XIIIe siècle). Toutes ces fables sont postérieures à la rédaction du Roland,