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La taille du grand Empereur est rapetissée : ce n’est plus un géant de quinze pieds qui domine tous les autres héros du poème et dont la gloire n’est pas effacée par celle même de Roland. Les subtilités d’une théologie médiocre remplacent les élans vigoureux d’une piété militaire. L’auteur se fait voir davantage dans ces œuvres trop personnelles. Plus de proportions : point de style, avec plus de prétentions. Des formules, des chevilles, et, comme nous le dirions aujourd’hui, des, « clichés » insupportables. Ces Remaniements, nous les abandonnons volontiers à ceux qui nous accusent de trop aimer notre vieille poésie religieuse et nationale. De ces œuvres de ; rhéteurs ennuyeux, la Patrie et Dieu sont absente. Nous ne descendrons pas à les admirer[1].


XII. — LA GLOIRE


Roland est un des héros dont la gloire a été le plus oecuménique, et il n’est peut-être pas de popularité égale à sa popularité.

Roland a été célèbre en Allemagne. Vers le milieu du XIIe siècle, un curé allemand, du nom de Conrad, — il était de la Bavière ou de la Souabe, — se mit à traduire en latin d’abord, puis en vers allemands, notre épopée nationale, notre vieille chanson. La traduction est des plus exactes, avec une tournure plus cléricale ou plus mystique que dans l’original français. C’est le Ruolandes-Liet, et nous ne pouvons oublier, en le lisant, que le jour où les Allemands voulurent un chant populaire sur Charlemagne, ils furent obligés de l’emprunter à

  1. Les Remaniements ne sont pas cependant la forme la plus méprisable qu’ait reçue la légende de Roland. Après avoir médiocrement inspiré Philippe Mousket, en sa Chronique rimée, au XIIIe siècle, et Girard d’Amiens, en son Charlemagne, au commencement du siècle suivant, cette très glorieuse et très antique légende fut, six fois au moins, mise en prose : dans Galien (XVe siècle) ; dans les Conquestes de Charlemagne, de David Aubert (1458) ; dans Morgant le Geant, imitation du Margante Maggiore, de Pulci (1519) ; dans le Charlemagne et Anseïs du manuscrit de l’Arsenal, anc. B. L. F 214 (XVe siècle) ; dans le Fierabras de 1478 et dans la Conqueste du grant roi Charlemagne des Espaignes, qui en est une nouvelle forme (1498, etc.) ; et enfin dans les Guerin de Montglave incunables. Ces deux derniers romans et le Galien ont pénétré dans la « Bibliothèque bleue », et c’est par eux que Roland est, encore aujourd’hui, connu dans nos campagnes.