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Il fut en l’ost tresque en Espaigne od mei,
" Si me tolit vint mil de mes Franceis
« E mun nevuld, que jamais ne verreiz,
3755 « E Olivier, le prud e le curteis :
« Les duze Pers ad traït pur aveir. »
Dist Guenelun : « Fel seie, se jo l’ ceil !
« Rollanz m’forsfist en or e en aveir,
« Pur que jo quis sa mort e sun destreit ;
3760 « Mais traïsun nule n’en i otrei. »
Respundent Franc : « Ore en tendrum cunseill. »Aoi.

CCCIII

Devant le Rei là s’estut Guenelun :
Cors ad gaillard, el’ vis gente culur ;
S’il fust leials, bien resemblast barun.
3765 Veit cels de France e tuz les jugeürs,
De ses parenz trente ki od lui sunt ;
Pois, s’escriat halternent, à grant sun :
« Pur amur Deu, kar m’entendez, baruns.
« Jo fui en l’ost avoec l’Empereur,
3770 « Serveie le par feid e par amur.
« Rollanz sis niés me coillit en haür,
« Si me jugat à mort e à dulur.
« Messages fui à l’ rei Marsiliun :
« Par mun saveir vinc jo à guarisun.
3775 « Jo desfiai Rollant le puigneür
« E Olivier e tuz lur cumpaignuns ;
« Carles l’oït e si noble barun.

— On traîne Ganelon hors de la ville — Et tous y sont, aliés après lui. -Voilà ce que l’on lait du traître. -On y a conduit aussi de bons chevaux, — Quatre fortes Juments qui, en vérité, — Sont sauvages et cruelles. -Charlemagne ordonne — Qu’un garçon monte sur chacune d’elles. — Aux quatre queues on a noué les pieds et les mains de Ganelon. — Puis les quatre cavaliers éperonnent leurs montures. — Dieu, voyez, voyez la sueur couler sur le" visage du misérable. -Maudite, peut’-il se dire, maudite « l’heure où je suis né ! » — Un tel châtiment est juste, puisque Ganelon a trahi les barons — Dont la douce France est orpheline. — Les cavaliers ont la bonne idée — De faire aller leurs quatre chevaux de tous les côtés, — Pour que l’infâme meure plus horriblement. — Que vous dirai-je enfin ?