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Et de la chair enlève un morceau plus large que la paume de la main ;
À cet endroit, l’os demeure tout nu.
Charles chancelle ; un peu plus il serait tombé :
Mais qu’il meure ou qu’il soit •vaincu, c’est ce que Dieu ne permet pas.
Saint Gabriel descend de nouveau près de lui :
« Grand roi, » lui dit-il, « que fais-tu ? »Aoi.

CCXCII

Quand Charles entend la sainte voix de l’ange,
Il n’a plus peur ; il ne craint plus de mourir ;
Les forces et le sentiment lui reviennent.
De son épée de France il frappe l’Émir,
Brise le beaume où flamboient tant de pierres précieuses,
Tranche la tête d’où se répand la cervelle,
Jusqu’à la barbe blanche met en deux morceaux le visage ;
Bref, sans remède, l’abat raide mort.
Puis, pour se faire reconnaître : « Monjoie ! » s’écrie-t-il.
À ce mot, le duc Naimes accourt ;
Il saisit Tencendur, et le grand roi y remonte.
Quant aux païens, ils s’enfuient : Dieu ne veut pas qu’ils restent davantage,
Et les Français enfin ont ce qu’ils demandent.Aoi.

CCXCIII

Dieu le veut, les païens s’enfuient :
L’Empereur et les Francs leur donnent la chasse :
« Vengez-vous, » s’écrie le Roi, «vengez toutes vos souffrances ;
« Satisfaites vos désirs, soulagez vos coeurs ;
« Car ce matin je vous ai vus pleurer de vos yeux. »
Et les Francs de lui répondre : « Il le faut, il le faut ! »
Et chacun de frapper les plus grands coups qu’il peut.
Ah ! des païens qui furent là, il s’en échappa un bien petit nombre.Aoi.