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CCLXXXIX

Il est vaillant le roi de douce France,
Mais l’Émir ne le craint ni ne le redoute.
« Tu as tué mon fils, » dit alors Baligant,
« Et fort injustement tu envahis ma terre,
« Deviens mon homme, et je te la donne en fief. »
Tous deux ont à la main leurs épées toutes nues,
Et s’en donnent de furieux coups sur leurs écus.
Ils en tranchent le cuir et le bois, qui cependant est double ;
Les clous en tombent, les boucles sont en pièces.
Alors ils se frappent nu à nu sur leurs hauberts ;
Des beaumes clairs jaillit le feu.
Ce duel ne peut en rester là :
Il faut que l’un ou l’autre reconnaisse son tort.Aoi.

CCXC

« Réfléchis bien, Charles, » dit l’Émir,
« Et décide-toi à me demander pardon.
« Je sais que tu as tué mon fils ;
« Et fort injustement tu réclames ma terre :
« Deviens mon homme, et je te la donne en fief ; ;
« Si tu veux être mon vassal depuis l’Espagne jusqu’en Orient.
« — Ce serait trop grande honte, » s’écrie Charles ;
« Je ne dois à un païen ni paix ni amour ;
« Reçois la loi que Dieu nous donne à croire ;
" Deviens chrétien, et sur l’heure je t’aimerai,
« Si tu crois, si tu sers le Roi omnipotent.
« — Mauvaises paroles que tout cela, » dit Baligant.
« J’aime mieux mourir-de l’épée qui tranche. »Aoi.

CCXCI

L’Émir est d’une force terrible.
Il frappe Charlemagne sur le beaume d’acier brun ;
Il le lui fend et casse sur la tête.
L’épée du païen tranche les cheveux,