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CCLXXXV

L’Émir a étalé sa barbe sur sa cuirasse,
Sa barbe aussi blanche que fleur d’aubépine.
Quoi qu’il arrive, il ne se veut point cacher.
Il met à sa bouche une trompette claire,
Et clairement la sonne, si bien que ses païens l’entendent.
Alors sur le champ de bataille il rallié toutes ses colonnes,
Et ceux d’Occiant de hennir et de braire,
Et ceux d’Argoilles d’aboyer et de glapir comme des chiens,
Puis, comme des fous furieux, ils cherchent les Français,
Se jettent au plus épais, rompent et coupent en deux l’armée de Charles,
Et, du coup, jettent à terre sept mille morts.Aoi.

CCLXXXVI

Le comte Ogier ne sait ce qu’est la couardise :
Jamais meilleur soldat ne vêtit le haubert.
Quand il voit les colonnes françaises rompues et coupées,
Il appelle Thierry, le duc d’Argonne,
Geoffroi d’Anjou et le comte Joceran,
Et adresse à Charles ce fier- discours :
« Voyez comme les païens vous tuent vos hommes.
« À Dieu ne plaise que vous portiez encore couronne au front,
« Si vous ne frappez ici de rudes coups pour venger votre honte !»
Personne ne répond un mot, personne ;
Mais tous donnent avec fureur de l’éperon, et lâchent les rênes à leurs chevaux.
Partout où ils rencontrent les païens, ils vont les frapper...Aoi.

CCLXXXVII

Il frappe bien, le roi Charlemagne ;
Ils frappent bien, le duc Naimes et Ogier le Danois ;
Il frappe bien, Geoffroi d’Anjou, qui porte l’enseigne royale ;
Mais quelle prouesse surtout que celle de monseigneur Ogier !
Il pique son cheval, lui lâche les rênes,