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Et les hommes pousser des hurlements de douleur et mourir à terre,
Celui-là saurait ce que c’est qu’une grande douleur !
La bataille est rude à supporter,
Et l’Émir invoque Apollon,
Tervagan et Mahomet :
« Je vous ai bien servis, seigneurs mes dieux !
« Eh bien ! je veux faire plus, et vous élèverai d’autres statues, tout en or fin,
« Si vous me secourez contre Charles. »
En ce moment Gémalfin, un ami de l’Émir, se présente à ses yeux ;
Il lui apporte de mauvaises nouvelles, et lui dit :
« La journée est mauvaise pour vous, sire Baligant.
« Vous avez perdu Malprime, votre fils,
« Et l’on vous a tué Canabeu, votre frère.
« Deux Français ont eu l’heur de les vaincre ;
« L’un d’eux, je pense, est l’Empereur :
« Il a le corps immense et tout l’air d’un marquis.
« Sa barbe est blanche comme fleur en avril. »
L’Émir alors baisse son beaume
Et laisse tomber sa tête sur sa poitrine ;
Sa douleur est si grande, qu’il pense mourir sur l’heure...
Il appelle Jangleu d’outre-mer.Aoi.

CCLXXXIV

« Avancez, Jangleu, » dit l’Émir.
" Vous êtes preux, vous êtes de grand savoir,
« Et j’ai toujours suivi votre conseil.
« Eh bien ! que vous semble des Arabes et des Français ?
« Aurons-nous ou non la victoire ?
« — Baligant, » répond Jangleu, « vous êtes un homme mort,
« N’espérez point le salut dans vos dieux :
« Charles est fier, vaillants sont ses hommes,
« Et jamais je ne vis race mieux faite pour la bataille.
« Cependant appelez vos chevaliers d’Occiant ;
« Mettez en ligne Turcs et Enfrons, Arabes et Géants,
« Et faites sans retard ce qu’il faut faire. »Aoi.