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" Voyez mon fils, comme il cherche Charles,
" Et combien de barons il provoque au combat !
« Je ne saurais souhaiter meilleur soldat :
« Allez le secourir avec le fer de vos lances. »
À ces mots, les païens font un mouvement avant :
Ils frappent de fiers coups ; la mêlée est rude ;
Pesante et merveilleuse est la bataille ;
Jamais, avant ce temps ni depuis ; jamais il n’y en eut de pareille.Aoi.

CCLXXIV

Les armées sont immenses, fiers sont les bataillons ;
Toutes les colonnes sont aux prises.
Dieu ! quels coups frappent les païens !
Dieu ! que de lances brisées en deux tronçons !
Que de hauberts démaillés ! que d’écus en morceaux !
La terre est tellement jonchée de cadavres,
Que l’herbe des champs, l’herbe fine et verte,
Est toute envermeillée par le sang.
L’Émir alors fait un nouvel appel aux siens :
« Frappez sur les chrétiens, frappez, barons. »
La bataille est rude, elle est acharnée.
Ni avant ce temps, ni depuis lors, on n’en vit jamais d’aussi forte ni d’aussi fière :
La mort seule pourra séparer les combattants.Aoi.

CCLXXV

L’Émir appelle les siens :
« Vous n’êtes venus que pour frapper : frappez.
« Je vous donnerai de belles femmes ;
« Vous aurez des biens, des fiefs, des terres.
« — Oui, notre devoir est de frapper, » lui répondent les païens.
A forcé d’assener de grands coups, ils perdent leurs lances.
Et alors cent mille épées sont tirées des fourreaux ;
La mêlée est douloureuse, elle est horrible :
Ah ! ceux qui furent la virent une vraie bataille.Aoi.