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(Ils ont tant et tant de chevaliers !) ;
Le plus faible de ces corps d’armée n’aura pas moins de cinquante mille hommes.
Le premier est composé des gens de Butentrot :
Judas, qui livra Dieu pour de l’or, Judas était de ce pays.
Dans le second corps sont les Misnes à la tête énorme.
Au milieu du dos, leur échine
Est couverte de soies, tout comme sangliers.
La troisième colonne est formée de Nubiens et de Blos ;
La quatrième, de Bruns et d’Esclavons ;
La cinquième, de Sorbres et de Sors ;
La sixième, de Mores et d’Arméniens.
Dans la septième sont ceux de Jéricho ;
Les Nègres forment la huitième, et les Gros la neuvième ;
La dixième enfin est composée des chevaliers de Balide-la-Forte
C’est un peuple qui jamais ne voulut le bien.
L’Émir prend à témoin, par tous les serments possibles,
La puissance et le corps de Mahomet :
« Charles de France est fou de chevaucher ainsi :
« Nous allons avoir bataille, et, s’il ne la refuse point,
« Il ne portera plus jamais couronne d’or en tête. »Aoi.

Tancrède et de Baudouin ont pénétré en Occident, c’est-à-dire à 1098 environ ? La question est grave, et il y faut répondre. = Je ne veux même pas avoir ici recours à l’explication de M. Paul Meyer, ni dire avec lui « qu’il ne résulte pas de l’emploi de ce mot que le Roland TOUT ENTIER soit postérieur à la première croisade " ; je ne veux pas supposer que ce vocable ait été ajouté à l’original par un remanieur ou un seribe. Mais je ferai observer, en premier lieu, qu’il est seulement probable, et non pas certain que les pèlerins de Terre sainte, avant 1095, n’aient pas suivi le chemin de la vallée de Butentrot. Il suffirait, à vrai dire, que quelques pèlerins aient connu ou pratiqué cet itinéraire, et que l’un d’eux ait été en relation avec l’auteur du Roland. En second lieu, il faudrait tenir compte (l’une autre légende et d’un texte cité par Millier (3e éd. p. 350), qui est loin d’être sans valeur-: Castellum désertum (in Corfu insula) quod dicitur BUTESTOC, in quo JUDAS PRODITOR NATUS EST. (Chron. Joh. Brompton, in Hist. Anglic. Script. x, éd. Twysden. p. 1219. Cf. W. Creizenach, Judas Isch. in Legende und Sage, p. 20.) = Somme toute, rien de décisif. 3221. As chiefs gros. Le moyen âge croyait à l’existence de monstres, qu’Honoré d’Autun, en son Imago mundi, décrit avec complaisance. Il nous parle des Macrobes, qui ont douze coudées de haut, et de certains pygméee, qui, dans l’Inde, n’ont que (deux coudées et s’occupent sans cesse à combattre les grues. « Il y a d’autres monstres dans l’Inde qui ont les pieds retournés, et huit doigts à chaque pied ; d’autres n’ont qu’un œil ; d’autres enfin n’ont qu’un pied, sur lequel ils peuvent courir avec une étonnante rapidité, etc. etc. » Telles étaient les idées qui circulaient alors dans les écoles et parmi le peuple. La plupart venaient de l’antiquité.