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A itel ure unkes pois ne la vit,
Ne il n’en fut ne vestuz ne saisiz.Aoi.

CCLXII

Li Amiralz chevalchet par cez oz :
3215 Sis filz le siut, ki mult ad grant le cors.
Li reis Torleus e li reis Dapamorz

Unt trente eschieles establies mult tost : 3217. Unt trente eschieles, etc. Ici commence l’énumération des différents peuples païens qui composent la grande armée de Baligant. Or, parmi ces peuples, les uns sont historiques, les autres imaginaires. A. Peuples historiques. Un grand fait, observé par M. Gaston Paris (Romania, II, pp. 330 et ss.) dominé ici toute la question : « Ces peuples sont ceux contre lesquels l’Europe chrétienne a été en lutte, NON PAS AU MOMENT DES CROISADES, mais aux Xe-XIe siècles. " Et c’est une nouvelle présomption en faveur de l’antiquité du Roland. = Cela dit, les peuples historiques dont il est fait mention dans notre poème se divisent en plusieurs grands groupes, suivant leurs races. I. Peuples slaves : « 1° Le nom de cette grande race, dit M. G. Paris, se trouve deux fois sous les formes Esclavoz (v. 3225) et peut-être Esclavers (v. 3245). Plus tard, à côté de la forme Escler (qui est de beaucoup la plus usitée), on trouvera Esclam ou Esclamor. — 2° On ne peut méconnaître dans les Sorbres et les Sors, du v. 3226, le mot « Sorabe » ou « Sorbe ». — 3° Les Micenes, dont le poète fait une description si bizarre (v. 3221 et suiv.), sont bien probablement les Milceni, Milzeni, Milciani, que nous trouvons, aux IXe et Xe siècles, établis dans la haute Lusace et qui paraissent, sans que je sois en état de l’affirmer, avoir perpétué leur nom dans celui de la Misnie. Ce rapprochement explique pourquoi leur nom, écrit en trois syllabes, ne compte dans le vers que pour deux. Il doit être prononcé Miçnes, et être traité comme imagerie et autres mots semblables. — 4° Quant aux Leutis (v. 3205, 3360), il y faut voir les Lutici, appelés aussi Luticii, Liutici, Luiticii, Leuticii, Lutizi. Ce sont les mêmes que les Wilzes, et ils habitaient, entre les Obotrites et les Pomorans, dans le grand - duché actuel de Mecklembourg (Leuticios, qui alio nomine Liutici vocantur : Pertz, IX, 45, etc. etc.). Les Leutis sont restés populaires dans toutes nos Chansons de geste. — 5° Le pays de Bruise (v. 3245) est la Prusse, Borussia, Bruzzia. Le Ruolandes Liet nous donne ici "die Prussen".— 6° D’après le manuscrit le plus ancien de Venise, on peut lire Ros an lieu de Bruns, et supposer qu’il s’agit des Russes. » = Telles sont ici les conclusions de M. G. Paris. Nous ne saurions, d’ailleurs, admettre ses hypothèses relativement aux Leus, « où il n’ose reconnaître avec certitude des Lechs ou Polonais », et aux Ormaleis, qu’il rapproche des Jarmènses ou habitants slaves de l’Ermland ou Ormaland. = II. PEUPLES TARTARES. 1-3° On a reconnu sans peine les Huns, les Hungres et les Avers. 4° Une autre.identification n’est pas moins sûre : Je veux parler des Pinceneis. Ce mot, ajoute ici M. G. Paris, " désignait la, plus puissante cl la plus féroce de ces tribus tartares, qui dévastaient sans cesse les provinces chrétiennes. Il s’agit, en effet, des Petchénègues (gr.n«ii ; ivây.o), désignés de bonne heure sous une forme nasalisée. (Voir, dans Ekkehard de Saint -Gall, Pincinnatorum multi-