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Puis tournant ses yeux vers le soleil levant,
Il adresse, du fond de son cœur, une prière à Dieu :
« O vraie Paternité, sois aujourd’hui ma défense.
« C’est toi qui as sauvé Jonas
« De la baleine qui l’avait englouti ;
« C’est toi qui as épargné le roi de Ninive
« Avec sa cité et tout son peuple ;
« C’est toi qui as délivré Daniel d’un horrible supplice,
« Quand on l’eut jeté dans la fosse aux lions ;
« C’est toi qui as préservé les trois enfants dans la fournaise.
« Eh bien ! que ton amour sur moi veille aujourd’hui ;
« Et, dans ta bonté, s’il te plaît, accorde-moi
« De pouvoir venger mon neveu Roland. »
Charles a fini sa prière ; il se relève,
Fait sur son front le signe qui a tant de puissance,
Puis monte sur son cheval courant.
Naimes et Josseran. lui tiennent l’étrier.

aux voyageurs. Ce sont ces tas de pierres qu’on appelait dés munjoies. Mot heureux (meum gaudium), ou plutôt cri d’un cœur longtemps serré qui soudain vient de s’épanouir. » Et la bannière se serait appelée de ce nom, ajoute M. Ad. Baudouin, parce que c’est elle qui dirige le guerrier dans la mêlée. S’il l’aperçoit, ou si quelque cri la lui signale, Il se sent sauvé. Eh bien ! ce cri qui lui permet ainsi de se rallier, c’est le nom précisément de ces tas de pierres qui indiquaient leur chemin aux voyageurs égarés ; c’estMunjoie (1.1., p.8).Il nous semble difficile d’admettre l’opinion de M. Baudouin. Ces monticules de pierres ont été, en réalité, désignés au moyen âge par le mot latin murgerium, et le mot français murgier. Et Il y a eu un jour confusion entre ce dernier terme et le mot Munjoie. C’est tout. = Enfin, d’après un troisième système (mais qui est purement hypothétique), Monjoie aurait été un fief de l’abbaye de Saint-Denys, et nos rois auraient pris pour enseigne le nom d’une de leurs terres, suivant une coutume dont il existe de nombreux exemples ; Si l’on accueillait cette dernière opinion, il faudrait admettre que ce cri n’aurait apparu dans notre poésie épique et dans le Roland qu’après l’année 1076, date à laquelle nos rois devinrent comtes du Vexin et avoués de l’abbaye de Saint-Denys. = En résumé, rien de certain dans toute cette discussion, si ce n’est que l’étymologie meum gaudium est absolument inadmissible, bien qu’elle soit fournie candidement par notre vieux poète, et que Monjoie est un nom de lieu. Dans l’état actuel de la question, l’opinion de M. Sepet est la plus acceptable.

3100. Veire Paterne, etc. Les prières qui se trouvent dans le Roland sont d’une remarquable brièveté. Celles des poèmes postérieurs sont d’une longueur interminable, et c’est un signe de décadence poétique. Voir notre Idée religieuse dans la -poésie épique du moyen âge, p. 44 et suiv., et le Recueil d’anciens textes bas-latins, provençaux et français de M. Paul Meyer, p. 222.