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Entre ses deux bras prend le corps de Roland,
Et, de douleur, tombe sur lui sans connaissance.Aoi.

CCXXXVI

L’Empereur revient de sa pâmoison.
Le duc Naimes, le comte Acelin,
Geoffroi d’Anjou et Thierri, frère de Geoffroi,
Prennent le Roi, le dressent contre un pin.
Il regarde à terre, il y voit le corps de son neveu,
Et si doucement se prend à le regretter :
« Ami Roland, que Dieu te prenne en pitié !
« Jamais on ne vit ici-bas pareil chevalier
« Pour ordonner, pour achever si grandes, batailles,
« Ah ! mon honneur tourne à déclin. »
Et l’Empereur se pâme ; il ne peut s’en empêcher.Aoi.

CCXXXVII

Le roi Charles revient de sa pâmoison ;
Quatre de ses barons le tiennent par lès mains.
Il regarde à terre, il y voit le corps de son neveu s
Roland a perdu toutes ses couleurs, mais il a encore l’air gaillard ;
Ses yeux sont retournés et tout remplis de ténèbres :
Et voici que Charles se met à le plaindre ; en toute foi-, en tout amour :
« Ami Roland, que Dieu mette ton âme en saintes fleurs
« Au paradis, parmi ses glorieux !
« Pourquoi faut-il que-tu sois venu en -Espagne ?
« Jamais plus je ne serai un seul jour sans souffrir à cause de toi.
«Et ma puissance, et ma joie, comme elles vont tomber maintenant !
« Qui sera le soutien de mon royaume ? Personne.
« Où sont mes amis sous le ciel ? Je n’en ai plus un seul.
« Mes parents ? Il n’en est pas un de sa valeur. »
Charles s’arrache à deux mains les cheveux,
Et se pâme de nouveau sur son neveu, tant il est plein d’angoisse.
Cent mille Français en ont si grande douleur
Qu’il n’en est pas un qui ne pleure à chaudes larmes,Aoi.