Page:Gautier - Chanson de Roland onzieme edition 1881.djvu/317

Cette page n’a pas encore été corrigée

Saint Gabriel, à qui Dieu l’a confié,
Lève la main, et fait sur lui le signe sacré.
Alors le Roi se lève, laisse là ses armes.
Et tous ses chevaliers se désarment aussi.
Puis montent à cheval, et rapidement chevauchent
Par ces larges routes, par ces longs chemins.
Et où vont-ils ainsi ? Ils vont voir le grand désastre :
Ils vont à Roncevaux, là où fut la bataille.Aoi.

CCXXXIV

Charles est revenu à Roncevaux.
A cause des morts qu’il y trouve, commence à pleurer :
« Seigneurs, » dit-il aux Français, « allez le petit pas ;
« Car il me faut marcher seul en avant,
« Pour mon neveu Roland que je voudrais trouver.
« Un jour j’étais à Aix, à une fête annuelle ;
« Mes vaillants bacheliers se vantaient
« De leurs batailles, de leurs rudes et forts combats :
« Et Roland disait, je l’entendis,
« Que, s’il mourait jamais en pays étranger, ;
« On trouverait son corps en avant de. ceux de ses pairs et de ses hommes ;
« Qu’il aurait le visage tourné du côté du pays ennemi ;
« Et qu’enfin, le brave ! il mourrait en conquérant. »
Un peu plus loin que le jet d’un bâton,
Charles est allé devant ses compagnons et a gravi une colline.Aoi.

CCXXXV

Comme l’Empereur va cherchant son neveu,
Il trouve le pré rempli d’herbes et de fleurs
Qui sont toutes vermeilles du sang de nos barons.
Et Charles en est tout ému ; il ne peut s’empêcher de pleurer.
Enfin le Roi arrive en haut, sous les deux arbres ;
Sûr les trois blocs de pierre il reconnaît les coups de Roland ;
Il voit son neveu qui gît sur l’herbe verte ;
Ce n’est point merveille si Charles en est navré de douleur.
Il descend de cheval, court sans s’arrêter :