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Leur chef parle le premier :
« Oyez, » leur dit-il, « francs chevaliers vaillants.
« Le roi Charles, empereur des Français,
« N’aura la permission de manger que si je le veux bien.
2660« Il m’a fait dans toute l’Espagne une trop longué guerre :
« C’est dans sa douce France que je veux aller l’attaquer ;
« Point ne m’arrêterai de toute ma vie,
« Avant de le voir à mes pieds, ou mort.»
Et Baligant donne sur son genou un coup de son gant droit.Aoi.

CCXXIII

2665L’Émir l’a dit, l’Émir s’entête :
Il ne manquera pas, pour tout l’or qui est sous le ciel,
D’aller jusqu’à Aix, où Charles tient ses plaids.
Ses hommes l’approuvent et lui donnent même conseil.
Alors il appelle deux de ses chevaliers,
2670L’un Clarifan, l’autre Clarien :
« Votre père, le roi Maltraïen,
« Faisait volontiers les messages.
« Vous, allez à Saragosse, je le veux.
« Annoncez de ma part au roi Marsile
2675« Que je le viens secourir contre les Français.
« Si je les rencontre, quelle bataille !
« Donnez-lui ce gant brodé d’or,
« Mettez-le-lui au poing droit,
« Et portez-lui aussi ce bâton d’or massif.
2680« Puis, quand il sera venu me rendre hommage,
« J’irai en France faire la guerre à Charles.
« Si l’Empereur ne s’étend à mes pieds pour me demander grâce,
« S’il ne veut pas renier la foi chrétienne,
« Je lui arracherai la couronne de la tête.
2685« — Bien dit, » s’écrient les païens.Aoi.

CCXXIV

« Et maintenant à cheval, barons, à cheval, » dit Baligant.
« L’un de vous portera le gant, l’autre le bâton. »
Et ceux-ci de répondre : « Ainsi ferons-nous, cher seigneur. »