Page:Gautier - Chanson de Roland onzieme edition 1881.djvu/299

Cette page n’a pas encore été corrigée

Tous maudissent Charles et maudissent la douce France.
2580Apollon, leur Dieu, est là dans une grotte : ils se jettent sur lui,
Lui font mille reproches, mille outrages :
« Eh ! méchant Dieu, pourquoi nous fais-tu telle honte ?
« Et notre roi, pourquoi l’as-tu laissé confondre ?
« Tu payes bien mal ceux qui te servent. »
2585Alors ils enlèvent à Apollon son sceptre et sa couronne ;
Ils le pendent par les mains à une colonne,
Le retournent à terre sous leurs pieds,
Lui donnent de grands coups de bâton et le mettent en morceaux.
Tervagan aussi y perd son escarboucle.
2590Quant à Mahomet ; on le jette dans un fossé
Où les porcs et les chiens le mordent et marchent dessus :
Jamais Dieux ne furent à telle honte.Aoi.

CCXVIII

Marsile revient de sa pâmoison.
Et se fait porter dans sa chambre ;
Sur les murs de laquelle on a écrit et peint plusieurs tableaux en couleurs.
2595La reine Bramimonde y est tout en larmes ;
Elle s’arrache les cheveux : « Ah ! malheureuse ! » répête-t-elle.
Puis, élevant la voix, elle dit encore :
« O Saragosse, te voilà donc privée
« Du noble roi qui t’avait en son pouvoir !
2600« Nos dieux sont des félons
« De nous avoir ainsi manqué dans le combat,
« Il nous reste l’Émir. Quelle lâcheté
« S’il n’engage pas la lutte avec cette race hardie, avec ces Français
« Qui ont. assez de vaillance pour ne point songer à leur vie !
2605« Chez leur empereur à barbe fleurie
« Quel courage, quelle témérité !
« Ce n’est pas lui qui reculerait jamais d’un seul pas dans la bataille.
« C’est grande douleur, en vérité, qu’il n’y ait personne pour le tuer. »Aoi.