LE CHATIMENT DES SARRASINS
CCVII
Roland est mort : Dieu en a l’âme aux cieux...
— L’Empereur, cependant, arrive à Roncevaux.
Pas une seule voie, pas même un seul sentier,
Pas un espace vide, pas un aune, pas un pied de terrain
Où il n’y ait corps de Français ou de païen :
« Où êtes-vous ? » s’écrie Charles ; « beau neveu, où êtes-vous ?
« Où est l’Archevêque ? où le comte Olivier ?
« Où Gerin et son compagnon Gerier ?
« Où sont le comte Bérengier et Othon ?
« Ive et Ivoire que j’aimais si chèrement ?
« Où est Engelier le Gascon ?
« Et le duc Samson et le baron Anséis ?
« Où est Gérard de Roussillon, le vieux ?
« Où sont les douze Pairs que j’avais laissés derrière moi ? »
Mais, hélas ! à quoi bon ? personne, personne ne répond.
« O Dieu, » dit le Roi, « j’ai bien lieu d’être en grand émoi.
« N’avoir point été là pour commencer la bataille ! »
Et Charles de s’arracher la barbe, comme un homme en grande colère ;
Il pleure, et tous ses chevaliers d’avoir aussi des larmes plein les yeux.
Vingt mille hommes tombent à terre, pâmés :
Le duc Naimes en a très grande pitié.Aoi.
CCVIII
La douleur est grande à Roncevaux :
Il n’y a pas un seul chevalier, pas un seul baron,
Qui de pitié ne pleure à chaudes larmes.
I ls pleurent leurs fils, leurs frères, leurs neveux,
Leurs amis et leurs seigneurs liges.
Un grand nombre tombent.à terre, pâmés.