« Tant de nobles rois se sont déjà mis aux pieds de l’Empereur.
« Ce n’est pas Marsile qui nous pourra jamais sauver,
« Et nous avons perdu la riche Espagne,
« Si l’Emir ne vient la défendre pour nous.»Aoi.
LA DERNIÈRE BÉNÉDICTION DE L’ARCHEVÊQUE
CXC
Païens s’enfuient, courroucés et pleins d’ire ;
Ils se dirigent en hâte du côté de l’Espagne.
Le comte Roland ne les a point poursuivis,
Car il a perdu son cheval Veillantif.
Bon gré, mal gré, il est resté à pied.
Le voilà qui va aider l’archevêque Turpin ;
Il lui a délacé son beaume d’or sur la tête ;
Il lui a retiré son blanc haubert léger ;
Puis il lui met le bliaud tout en pièces,
Et en prend les morceaux pour bander ses larges plaies.
Il le serre alors étroitement contre son sein
Et le couche doucement, doucement, sur l’herbe verte.
Ensuite, d’une voix très tendre, Roland lui fait cette prière :
« Ah ! gentilhomme, donnez-m’en votre congé.
« Nos compagnons, ceux que nous aimions tant,
« Sont tous morts ;’ mais nous ne devons point les laisser ici.
« Écoutez : je vais aller chercher et reconnaître tous leurs corps ;
« Puis je les déposerai à la rangette devant vous.
« — Allez, » dit l’Archevêque, « et revenez bientôt.
« Grâce à Dieu, le champ nous reste, à vous et à moi ! »Aoi.
CXCI
Roland s’en va. Seul, tout seul, il parcourt le champ de bataille ;
Il fouille la montagne, il fouille la vallée ;
Il y trouve les corps d’Ivon et d’Ivoire ;
Il y trouve Gerier et Gerin, son compagnon ;