Page:Gautier - Chanson de Roland onzieme edition 1881.djvu/261

Cette page n’a pas encore été corrigée

« Par amour pour vous, je veux faire halte.
2140« Nous partagerons ensemble le bien et le mal,
« Et, pour aucun homme du monde, je ne vous abandonnerai.
« Tous les deux nous rendrons aux païens leur assaut :
« Les meilleurs coups sont ceux de Durendal !
« — Honte à qui ne frappe pas de son mieux, » dit l’Archevêque.
« Après cette bataille nous n’en aurons plus d’autre,
2145« Charles arrive, qui vous vengera. »Aoi.

CLXXXVIII

« Nous sommes nés pour notre malheur, » disent les païens,
« Et ce jour s’est levé pour nous bien funeste !
« Nous avons perdu nos seigneurs et nos pairs.
« Et voilà que Charles, le baron, revient avec sa grande armée :
2150« Nous entendons d’ici les claires trompettes de ceux de France
« Et le grand bruit que fait le cri de Monjoie.
« Rien n’égale la fierté du comte Roland,
« Et il n’est pas d’homme vivant qui le puisse vaincre.
« Tirons de loin, et laissons-le sur le terrain. »
2155Ainsi firent-ils. Ils lui lancent de loin dards et javelots,
Épieux, lances et flèches empennées ;
Ils ont mis en pièces et troué l’écu de Roland ;
Ils lui ont déchiré son haubert dont l’orfroi est enlevé ;
Mais point no l’ont touché dans son corps.
2160Pour Veillantif, il a reçu trente blessures
Et sous le Comte est tombé mort.
Les païens, cependant, s’enfuient et laissent Roland seul,
Seul et à pied.Aoi.

CLXXXIX

Les païens s’enfuient, pleins d’effroi :
« Roland, » se disent-ils l’un à l’autre, « Roland nous a vaincus,
« Et le grand Empereur revient sur ses pas.
« Entendez les clairons de l’armée française.
« Attendre les Français, c’est être assuré de mourir.