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qui étaient jadis conservés dans l’armoire aux livres de la cathédrale de Peterborough.

Enfin, voici un dernier fait, qui semblerait indiquer que notre Roland a été écrit en Angleterre. On y lit trois ou quatre fois le mot algier[1] qui vient très-certainement du mot ategar, et désigne le javelot anglo-saxon. Or, ce dernier mot est d’origine germanique et, plus particulièrement, anglo-saxonne. Il ne se trouve, à notre connaissance, qu’en des textes d’origine anglaise. Nous ne pensons pas, du moins, qu’il ait été latinisé ou, surtout, francisé ailleurs. Ce serait donc, à notre avis, un de ces vocables que les conquérants français auraient empruntés aux vaincus.

Nous avouons, d’ailleurs, que ce fait est d’une importance très-secondaire.

Pour nous résumer, nous dirons que le Roland est certainement l’œuvre d’un Normand, – et probablement l’œuvre d’un Normand qui avait pris part à la conquête de 1066, ou qui avait vécu en Angleterre.

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Cette opinion, qui assigne une origine normande à la Chanson de Roland, est loin d’être aujourd’hui partagée par tous les érudits, et il en est de considérables qui la rejettent avec quelque vivacité et énergie.

Dans son étude sur le Voyage à Jérusalem et à Constantinople (décembre 1877), M. Gaston Paris a donné une forme encore plus vive à l’hypothèse qu’il avait déjà émise en 1865 sur l’origine française et même parisienne du Roland. Nous attendons impatiemment ses preuves.

Tout récemment, le successeur de Diez à l’Université de Bonn, M. W. Fœrster a proclamé avec autant de netteté que « Roland appartient à l’Ile-de-France ». Quelle que soit l’autorité de M. Foerster, nous ne saurions nous rendre a ce système.

Le grand et, suivant nous, l’irrécusable argument subsiste toujours, et c’est la place que le Mont Saint-Michel occupe dans tout notre poème.

  1. Chanson de Roland, vers 439, 442, 2075.