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Il a tant saigné que sa vue en est trouble ;
Ni de près, ni de loin, ne voit plus assez clair
Pour reconnaître homme qui vive.
Le voilà qui rencontre son compagnon Roland ;
1995Sur le beaume orné de pierreries et d’or, il frappe un coup terrible,
Qui le fend en deux jusqu’au nasal,
Mais qui, par bonheur, ne pénètre pas en la tête.
À ce coup, Roland l’a regardé,
Et doucement., doucement, lui fait cette demande :
2000« Mon compagnon, l’avez-vous fait exprès ?
» Je suis Roland, celui qui tant vous aime :
« Vous ne m’aviez point défié, que je sache ?
« — Je vous entends, » dit Olivier, « je vous entends 1 parler,
« Mais point ne vous vois : Dieu vous voie, ami.
2005« Je vous ai frappé, pardonnez-le-moi.
« — Je n’ai point de mal, » répond Roland ;
" Je vous pardonne ici et devant Dieu. »
À ce mot, ils s’inclinent l’un devant l’autre.
C’est ainsi, c’est avec cet amour que tous deux se séparèrent.Aoi.

CLXXVII

2010Olivier sent l’angoisse de la mort ;
Ses deux yeux lui tournent dans la tête ;
Il perd l’ouïe ; et tout à fait la vue,
Descend à pied, sur la terre se couche,
A haute voix fait son mea culpa,
2015Joint ses deux mains et les tend vers le ciel,
Prie Dieu de lui donner son paradis,
De bénir Charlemagne, la douce. France
Et son compagnon Roland par-dessus tous les hommes.’
Le cœur lui, manque, sa tête s’incline :
2020Il tombe à terre, étendu de tout son long.
C’en est fait, le Comte est mort.
Et le baron Roland le regrette et le pleure.
Jamais sur terré vous n’entendrez un homme plusdolent.Aoi.

s’agit de la communion symbolique d’Olivier ’qui lui est administrée par Roland : Trois poïz a pris de l’erbe verdoiant. — Li angeDieu i descendent