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Quant à la Chanson qui est parvenue jusqu’à nous, il est difficile d’en préciser fort exactement la date ; mais il semble permis d’affirmer qu’elle est postérieure à la conquête de l’Angleterre par les Normands (1066) et antérieure à la première croisade (1096).

En d’autres termes, la Chanson de Roland appartient au dernier tiers du XIe siècle.

Mais les preuves ne sont pas aussi décisives que nous le voudrions.

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Il est à peine utile de dire que le manuscrit ne peut ici nous être d’aucune utilité. Il appartient au milieu du XIIe siècle, et est notablement postérieur à la composition du poëme. Cherchons de la lumière ailleurs.

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De l’étude du manuscrit passons rapidement à celle des assonances.

M. Gaston Paris, dans une longue dissertation qu’il a consacrée aux assonances de la Vie de saint Alexis comparées à celles du Roland, conclut à l’antériorité du premier de ces poëmes. Il montre, en effet, que dans le Saint-Alexis les notations ent et ant sont encore distinctes et ne peuvent « assonner » : dans le Roland c’est tout le contraire, et ces assonances entrent souvent dans le même couplet. Il en est de même de l’homophonie entre ai et e devant deux consonnes : elle existe dans le Roland et n’est pas encore admise dans l’Alexis. « Telles sont, dit M. G. Paris[1], les raisons qui ne permettent pas de douter qu’entre l’Alexis et le Roland il ne se soit écoulé un intervalle de temps assez long. »

Or la date que M. G. Paris attribue à l’Alexis est « le milieu du XIe siècle ».

Le Roland pourrait donc, comme il le dit lui-même ailleurs, être attribué à la fin de ce même siècle.

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Mais il en faut venir maintenant à un examen plus intime, à celui du poëme lui-même.

  1. Vie de saint Alexis, p. 39.