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Donc nous pouvons textuellement appliquer à Roland tout ce que le biographe de Guillaume nous apprend ici de son héros. Roland, lui aussi, a été chanté par tout un peuple.

Et nous ajouterons que ces premiers chants, ici encore, étaient nécessairement lyriques.

L’Épopée n’est venue que plus tard.

Nous avions autrefois pensé que les auteurs de nos plus anciens poëmes n’avaient guère eu qu’à souder ensemble ces cantilènes populaires pour en faire une seule et même chanson de geste. « Les premières chansons de geste, avions-nous dit, n’ont été que des bouquets ou des chapelets de cantilènes. »

Cette opinion était excessive. Nous sommes aujourd’hui convaincu que nos premiers épiques n’ont pas soudé réellement, matériellement, des cantilènes préexistantes. Ils se sont seulement inspiré de ces chants populaires ; ils en ont seulement emprunté les éléments traditionnels et légendaires ; ils n’en ont pris que les idées, l’esprit et la vie. Et ils ont trouvé tout le reste.


V. – Le poëme


La Chanson de Roland, telle que nous la possédons aujourd’hui, n’est pas, sans doute, la première épopée qui ait été consacrée à la gloire de notre héros.

Il est probable, comme nous le disions tout à l’heure, qu’un Roland a été composé vers la fin du Xe ou le commencement du XIe siècle. C’est ainsi du moins que nous expliquons l’intercalation singulière dans notre légende de ces deux personnages, Geoffroi d’Anjou et Richard de Normandie.

Dans le poëme que nous publions, il s’agit quelque part d’une prise de Jérusalem et d’un meurtre du patriarche par les Sarrasins vainqueurs. Ces vers contiennent sans doute une allusion à des événements très-réels de 969 et de 1012, et se trouvaient, sous une autre forme, dans cette première rédaction du Roland que l’on pourrait hypothétiquement placer entre les années 990 et 1020.

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