" Si tant de Français sont morts c’est votre folie qui les a tués ;
« Et voilà que maintenant nous ne pourrons plus servir l’Empereur.
« Si vous m’aviez cru, notre seigneur serait ici ;
« Cette bataille nous l’aurions livrée et gagnée,
" Le roi Marsile eût été pris et tué.
" Ah ! votre vaillance, Roland, nous sera bien funeste ;
« Désormais vous ne pourrez rien faire pour Charlemagne,
« L’homme le plus grand que l’on verra d’ici au jugement.
« Quant à vous, vous allez mourir, et la France va tomber dans le déshonneur.
« Puis c’est aujourd’hui que va finir notre loyale amitié :
« Avant ce soir nous serons séparés, et bien douloureusement ! »
Et voilà Roland et Olivier qui pleurent l’un pour l’autre.Aoi.
CLV
L’Archevêque entend leur dispute
Et pique son cheval de ses éperons d’or pur ;
Il vient vers eux, et se prend à les gourmander :
" Sire Roland, et vous, sire Olivier,
« Je vous conjure de ne point vous courroucer ainsi.
" Voyez nos Français, qui sont condamnés à mort.
« Votre cor ne nous sauverait pas :
« Charles est bien loin et lardera trop à venir
« Mais néanmoins il serait mieux d’en sonner.
« Vienne le roi, il saura nous venger,
« Et les païens ne s’en retourneront pas joyeusement.
« Les Français de Charlemagne descendront de leurs chevaux,
« Ils nous trouveront morts et coupés en pièces,
« Recueilleront nos chefs et nos corps
« Et nous mettront en bières, à dos de cheval.
« De deuil et de pitié ils seront tout en larmes ;
« Puis ils nous enterreront dans les parvis des moutiers ;
" Les chiens, les sangliers elles loups ne nous mangeront pas.
« — Vous dites bien, » répond Roland.Aoi.
souffler au nom de Dieu. » (Keiser Karl Magnus’s kronike.)