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Puis, vers la fin du Xe siècle, plusieurs personnages nouveaux firent leur apparition dans la tradition rolandienne. C’est alors, – pour plaire au duc d’Anjou Geoffroi et au duc de Normandie Richard[1], – c’est alors sans doute que les personnages de Geoffroi et de Richard furent imaginés par quelque poëte adulateur.

Il est POSSIBLE qu’une Chanson de Roland antérieure à la nôtre (elle serait de la fin du Xe ou du commencement du XIe siècle) ait eu pour auteur un Angevin, et c’est ce qui expliquerait le rôle considérable de Thierry l’Angevin à la fin de ce récit épique. Mais ce n’est là qu’une hypothèse.

Ce qu’il y a de certain, c’est qu’en ce qui concerne notre Roland, la Légende a modifié l’histoire à sept reprises et de sept façons différentes. Ce grand mouvement a commencé vers la fin du VIIIe siècle, et il était achevé au commencement du XIe.

C’est ce que nous appellerions volontiers les « sept Travaux de la Légende ». Et nous venons de les faire successivement passer sous les yeux de nos lecteurs.


IV. – Les premiers Chants


Que, dès le règne de Charlemagne, il ait existé des chants populaires spécialement consacrés à Roncevaux et à Roland, la chose ne paraît pas douteuse. Qu’aucun de ces chants ne soit parvenu jusqu’à nous, le fait n’est que trop certain.

Mais quelle pouvait bien être la nature de ces chants primitifs ?

Ici, les érudits se divisent en deux groupes. Les uns affirment que ces premiers chants ont été épiques ; les autres n’y voient que des cantilènes, ou, pour parler plus clairement, de vraies chansons populaires, semblables aux rondes de nos enfants ou à ces complaintes naïves que certains chanteurs

  1. Geoffroi Grise-Gonnelle mourut en 987, et Richard Sans-Peur en 996.