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tous les vers terminés à l’origine par les mêmes assonances, et, plus tard, par les mêmes rimes. Telles sont les Chansons de geste ; tels sont ces chants épiques de la France que toute l’Europe a connus, imités et traduits, et qui ont fait le tour du monde avec nos traditions et notre gloire.

Or, la plus antique, la plus célèbre, la plus belle de toutes les Chansons de geste, c’est la Chanson de Roland.

Nous allons parler de la Chanson de Roland.

Notre vœu le plus cher, c’est qu’après nous avoir entendu, les femmes même et les enfants connaissent, admirent et respectent le plus beau monument, le type le plus achevé de l’Épopée française.

C’est notre vœu, parce qu’on ne saurait aimer le Roland sans aimer plus vivement la France.


II. – L’Histoire


Le 15 août 778[1], au fond d’une petite vallée des Pyrénées qui est encore aujourd’hui connue sous le nom de Roncevaux, il se passa un drame terrible, dont le retentissement devait être incomparable, et qui allait, durant plusieurs siècles, inspirer les poëtes de toutes les nations chrétiennes.

Le roi des Francs, Charles, revenait de cette expédition d’Espagne où il n’avait été qu’à moitié vainqueur. Attiré là-bas par les divisions des princes musulmans, il s’était généreusement proposé de délivrer l’église du joug des Sarrasins ; mais il n’avait rien fait au delà de l’Èbre. Il avait réussi devant Pampelune, mais échoué devant Saragosse. Et il s’en revenait assez tristement, ayant mille projets en tête.

  1. Cette date a été tout récemment établie. M. Dümmler a découvert (dans le manuscrit latin de la Bibliothèque nationale 4841) l’épitaphe d’un des guerriers franks morts à Roncevaux, du sénéchal Eggihard :
    Qui obiit die XVIII kalendras septembrias.
    V. l’article de Gaston de Paris, dans la Romania, II, 146-148.